Littérature des 5 continents : AfriqueCongo-Kinshasa (R.D.C.)

Tram 83

Fiston Mwanza Mujila

(2014)
Langue d’origine : Français

Ce que raconte ce roman :

Requiem, connu comme le Négus, est un ancien militaire, devenu magouilleur professionnel. Il accueille Lucien, son ami d’enfance, à la gare de la ville-Pays. Lucien est un écrivain qui débarque de l’arrière-pays, toujours avec l’idée de publier une pièce de théâtre ou un roman. Le premier arrêt du duo fraichement retrouvé sera le Tram 83, un bar nocturne incontournable de la capitale, où toute une faune humaine farfelue et extravagante se donne rendez-vous dans la débauche, l’alcool, l’argent, le sexe et tout ce qui est trouble et miteux.

Un écrivain essaie d’écrire dans un bar aussi flamboyant que crasseux :

Roman assez peu structuré qui empile des courts chapitres remplis des personnages hauts-en couleur dans des situations rocambolesques. C’est censé être frais et rénovateur, mais personnellement j’ai trouvé cela creux, répétitif, et parfois même prétentieux. Les métaphores qui nous parlent du conflit entre la capitale et la campagne et la réflexion sur la société congolaise et leur rapport aux mines et à l’argent me semblent peu approfondies.

Cela aurait pu durer 270 pages comme 556, car le roman ne prétend aller nulle part, il n’y a pas d’arnaque, Mwanza Mujila ne cache pas que celui-là est un roman aussi chaotique que le Tram 83 et veut juste nous embarquer dans une virée étrange et perturbatrice, avec des allures de métafiction loufoque. Le parti pris est sincère et assumé. Sauf que ce voyage semble assez futile et le roman ne réussit pas à décoller à aucun moment.

Le style se veut littéraire et jusqu’à un certain point recherché, avec une répétition de phrases clé (« Vous avez l’heure ? », « Je n’aime pas les préliminaires ») que finalement portent le roman d’avantage vers l’unidimensionnalité. Des longes phrases avec une liste d’éléments séparés par des virgules pourrait charmer les amateurs des pirouettes de langage, mais le sens de toutes ses prouesses littéraires semble flou.

Le point le plus intéressant à mon avis serait le travail de construction de personnages, notamment le contraste entre le duo protagoniste : Requiem, personnage étrange et double, qui ne peut pas vivre sans la nuit et le magouillage, tandis que Lucien, personnage plus pur et noble, souhaite s’extirper de l’influence néfaste de la nuit et la Tram 83 pour se consacrer à l’écriture. D’autres protagonistes comme la diva des chemins de fer ou l’éditeur Malingeau, une espèce de rival de Requiem au Tram 83, s’ajoutent à la foule éclectique de touristes, étudiants, rabatteurs, serveuses, prostituées et d’autres inadaptés qui peuplent le Tram 83.

Parmi tous ces personnages, seulement les hommes ont du relief. Très peu de personnages féminins apportent quelque chose au récit, et la totalité de femmes qui apparaissent dans le livre est dépeinte seulement en rapport à l’homme et au sexe. J’avoue que je n’en pouvais plus des femmes sans aucune entité, complètement dépendantes des hommes, et sans la moindre réflexion critique de la part de l’écrivain. L’absence totale de femmes intéressantes par elles-mêmes dans un roman peuplé de dizaines de femmes devrait interroger le lecteur.

Si vous voulez tenter un roman hallucinatoire ‘Tram 83’ est un bon choix, en quelque pages vous saurez si ce livre est pour vous. Pas besoin d’insister si après 20 pages vous ne rentrez pas dedans.


Citation :

« Requiem était le contraire de Lucien qui énervait tout le Tram par sa langue de bois, hypocrite à griffonner sur des bouts de papier au lieu de nous dire la vérité en face et paresseux à l’égard des filles. Il nous fatiguait, Lucien. Il exagérait ! À quoi bon faire son intellectuel partout si l’équation doit rester la même.»

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