(1991)
Langue d’origine : Français
⭐⭐
Ce que racontent ces mémoires :
Récit autobiographique qui retrace l’histoire de l’enfant peul Amadou Hampâté Bâ, commençant par ses grands-parents, puis par ses parents Hampâté et Kadidja, pour arriver à son enfance et jeunesse. On est à Bandigara, au Mali, au début du XXe siècle, dans une région à majorité toucouleur, avec forte présence de la colonisation française. Les parents vont se séparer et Amadou, plus connu comme Amkoullel, va suivre sa mère Kadidja, après son nouveau mariage avec le chef Tidjani, dans un parcours très diverse à travers toute la géographie du Mali.
Un vieillard qui meurt sans qu’une bibliothèque ait brulé :
Amadou Hampâté Bâ incarne l’histoire vivante du Mali au XXe siècle. Membre du conseil exécutif à l’UNESCO, Hampâté Bâ a toujours soutenu les traditions orales africaine et l’importance du recueil, transcription et traduction de ce patrimoine orale, auquel il s’est attaché et collaboré de façon capitale. Il lui est attribué la fameuse phrase : « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui a brûlé », depuis déclinée et réutilisée à maintes reprises pour la défense de la tradition orale africaine. Hampâté Bâ, lui, il a bien gardé son propre patrimoine oral, car il nous a retranscrit ses mémoires avec tout genre de détail, dans un témoignage à valeur inestimable.
Son autobiographie (dont un deuxième tome voit la lumière peu après sa mort), est une compilation exhaustive de la vie d’une famille, mais aussi de toute l’histoire récente du peuple Peul, et par extension du Mali. La lignée dont il est issu a toujours été en quelque sorte près des centres du pouvoir, donc en lien avec tous les évènements majeurs qui ont façonné le pays. Dans ce récit se croisent toutes les ethnies maliennes : Les Peuls, les Toucouleurs, les Dogon, les Bambaras…. Le livre s’attache à nous décrire le quotidien et la tradition de tous ces groupes, sans jamais tomber dans l’excès d’explications didactiques. Car Hampâté Bâ lui-même est un grand conteur et, revêtu de cette tradition orale dont il en est l’héritier, nous embarque dans toute une vie de traditions, personnages, évènements, anecdotes et digressions en tout genre.
Dans son écrit se mélangent des évènements historiques majeurs avec des petites anecdotes du quotidien. Hampâté Bâ avait fini un texte deux fois plus long, qui fut formatté pour l’édition à environ 500 pages pour faciliter l’approchement au lecteur lambda, ce qui semblait être clairement son intérêt. Ce livre bénéficie donc d’une vulgarisation soigneusement travaillée, qui nous ouvre une fenêtre à tout un système de vie au plus éloigné de nos sociétés occidentales.
Donc, même si le pari est réussi, le livre reste à mi-chemin entre le manuel d’histoire et le recueil d’anecdotes, sans vraiment devenir une œuvre littéraire à part entière. Aussi bien expliqué qu’il soit tout, je reste sur ma faim d’un travail d’une envergure narrative plus accomplie. Du coup le livre se fait long. Mes parties favorites sont sans doute celles où il y a plus de développement dramatique, comme le combat de la mère d’Hampâté Bâ, Kadidja, pour la libération de son mari Tidjani, emprisonné à la suite des graves conflits ethniques. Mais ces moments épars ne réussissent pas à faire prendre toute l’ampleur émotionnelle que j’aurais souhaité à ce livre, au-delà de sa valeur comme pur témoignage, qui est sans doute incalculable. C’est déjà ça.
Citation :
« On ne peut m’annoncer une nouvelle plus grave que celle que le destin m’a assigné au jours de ma naissance en me disant : tu es entré dans une existence dont tu ne sortiras pas vivant quoi que tu fasses, et nulle force humaine ne pourra jamais me loger plus étroitement sur cette terre que je ne le serai dans ma propre tombe. C’est pourquoi aucune mauvaise nouvelle ne peut réellement m’assombrir. J’ai appris à voir venir la mort avec le même calme que je vois tomber la nuit quand le jour décline. À chaque réveil je me considère comme un condamné en sursis …….la vie est un drame qu’il faut vivre avec sérénité. »
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