(2016)
Langue d’origine : Français
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Ce que raconte ce roman :
Anguille est une jeune fille naufragée qui est sur le point de se noyer au milieu de l’océan Indien. Au moment de quitter ce monde, Anguille voit défiler toute sa vie, sa pensée divague, remémore et passe en revue l’enchainement dramatique qui l’a mené jusqu’à la situation où elle se trouve.
Moutsamoudou, ‘île d’Anjouan, Comores. Anguille grandit avec sa sœur jumelle, Crotale, et son père, un pêcheur qu’on appelle Connait-tout. Un jour Anguille est approchée par un jeune pêcheur appelé Vorace et cette rencontre fera basculer sa vie.
Logorrhée interminable qui ne réussit pas à cacher une histoire banale au possible :
Attention, stream of consciousness alert! Avec virgules à la place de points et avec divisions en chapitres qui ne le sont pas vraiment, ce récit apparemment unique, mais finalement pas autant que cela, se structure sur une seule phrase qui suit le flux de la pensée chaotique d’Anguille pendant des interminables pages, lorsqu’elle est sur le point de se noyer au milieu de l’océan Indien, et remémore sa vie à Moutsamoudou. Le récit est déjà plein de digressions en tout genre, mais en plus, Anguille arrête son récit une fois et une autre, pour insister sur le fait qu’elle digresse (voir citation).
‘Anguille sous roche’ est un roman bien prétentieux. Pas par le fait d’avoir utilisé la narration en flux de conscience, mais plutôt pour l’avoir mal utilisé. Ou plutôt inutilement. Ou plutôt tout cela n’est que de la mauvaise fois littéraire. Aucune doute, l’écrivain a un talent indéniable, sa prose est vibrante et son lexique est riche, mais il le met ici au service d’une histoire creuse et banale, dans une volonté peut être involontaire de cacher la défaillance du fond avec le miroitement de la forme. Voilà c’est dit. Je ne partage donc pas du tout les louanges et pâmoisons diverses qui ont fait de ce roman la coqueluche de la narration en français du début du 21ème siècle. Même Emmanuel Macron a décrit ce roman comme « un récit éblouissant ». Si tu le dis.
D’accord, je ne suis pas trop fan de la narration en flux de conscience, mais là, il faudra qu’on m’explique pourquoi dès qu’un écrivain qui maîtrise son art se lance avec ce procédé, c’est pour pondre automatiquement un chef d’œuvre, indépendamment de si la technique de stream of consciousness est appliquée d’une façon justifiée, esthétique et/ou émotionnelle. Car ici on n’est clairement dans aucun de ces cas. Tout d’abord cette phrase unique est une arnaque monumentale. L’auteur a tout simplement remplacé les points par des virgules (ainsi comme les signes d’interrogation), sans vraiment chercher la fluidité, comme ils ont fait Alain Mabanckou, John Fosse et d’autres écrivains qui se sont lancés dans cette version non-stop du stream of consciuosness.
Cette histoire n’avait pas besoin d’être raconte comme ça. Cela ne fait que ralentir un récit, qui était déjà long et beaucoup trop étouffé au départ, pour lui apporter très peu de profondeur de contenu. Car, et c’est cela le pire, l’histoire est du vu et du revu mille fois. Avec tout le drame qui lui arrive à la pauvre Anguille, l’intrigue est bien banale et convenue, et l’optique proposé par Zamir n’apporte rien de particulier. On passe à côté du drame humain, du récit sur le déracinement, de l’emprise de la famille sur la femme, de la domination patriarcale, de l’immigration illégale, aucun sujet ne semble être approfondi. Tous les efforts semblent se concentrent sur la forme pour, à l’arrivée, nous proposer un exercice de style de grande vacuité.
Citation :
« (…) Anguille, tu déconnes là, pourquoi tous ces détails inutiles, surtout que tu péris, merde, bon, j’arrête les conneries, il faut vite avancer non, à chaque fous sa marotte, n’est-ce pas, (…) »
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