Littérature des 5 continents : AfriqueÉgypte

Ferdaous, une voix en enfer

Nawal El Saadawi

(Emra’a enda noktat el sifr , 1977)
Traduction : Assia Trabelsi. Langue d’origine : Arabe
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce récit documentaire :

L’écrivaine, après multiples essais, réussit à rendre visite à Ferdaous, une femme prostituée qui attend en prison le jour où elle sera exécutée par pendaison. Le récit retrace le témoignage de la jeune femme accusée d’assassinat : Une vie marquée dès l’enfance par les abus, la violence et le désespoir. Tous les hommes que croisent la vie de Ferdaous, en commençant par son père violent, lui voleront non seulement l’argent, sinon toute sa dignité. Maltraitée par tous, violée, abusée, Ferdaous ne trouve aucune issue possible à sa vie de malheur.

Témoignage effroyable du calvaire d’une femme égyptienne :

Saadawi fut une femme médecin, activiste et écrivaine qui mena un combat inlassable contre l’oppression de la femme sous le patriarcat de la société égyptienne. Ses travaux de recherche se portent sur la sexualité des femmes et son objectification, les conséquences de la violence et des abus exercés contre elles, sur la mutilation génitale des femmes égyptiennes (elle-même en fut victime à 6 ans), ainsi que sur les différences de classes et le colonialisme, et leur impact sur la condition féminine.

Saadawi, figure de proue du féminisme dans le monde arabe, fut censurée, emprisonnée et ostracisée à plusieurs reprises. Après la perte de son poste suite à la publication de son livre scandale ‘Women and sex’, Saadawi commença un travail d’investigation sur les névroses des femmes égyptiennes, qui aboutit dans ‘Women and Neurosis in Egypt’, recherche publiée en 1976.

C’est en 1974, pendant ce travail de recherche à la prison de Qanatir, qu’elle fit la connaissance de Ferdaous, prisonnière qui attendait l’exécution de sa sentence. Cette femme remarquable impressionna Saadawi par son courage, sa dignité et sa moral sans faille, et l’écrivaine se proposa aussitôt de retranscrire son témoignage. Ce récit à la première personne est effroyable, dur et cru. Ce n’est pas un livre pour tout le monde, certaines scènes sont remplies de violence physique et psychologique, dont des nombreux viols. Dans l’enfer de son quotidien, Ferdaous ne trouvera qu’un éphémère période de calme et indépendance lors qu’elle s’assumera comme prostituée, mais même alors, des hommes seront toujours là pour l’empêcher d’aller de l’avant. C’est une critique sans détour du patriarcat de la société égyptienne des années 70, qui pourrait sembler par moments trop radicale et manichéenne mais qui malheureusement sonne totalement vraie.

En espérant que depuis lors la société ait avancé un peu vers le mieux, ce témoignage effroyable reste un classique de la littérature de dénonciation dans le monde arabe et s’érige en avertissement incontournable pour comprendre la situation de la femme dans le monde.


Citations :

« Et qui a dit que tuer ne demande pas de gentillesse ? »

 

« Je ne veux rien. Je n’espère rien. Je ne crains rien. C’est pour ça que je suis libre. Parce que, tout au long de notre vie, ce sont nos désirs, nos espoirs, nos craintes qui nous asservissent. »

 

« La vérité était que je préférais être une prostituée plutôt qu’une femme vertueuse mais dupe. Toutes les femmes sont dupes. Les hommes t’infligent la trahison, puis ils te punissent parce que tu es trahie. »

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