(The River Between, 1965)
Traduction : Julie Senghor. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Au pays Kikuyu, une rivière coule entre deux collines. Waiyaki souhaite combiner les traditions de son people, les Kikuyu, avec l’éducation qui peuvent fournir le missionnaires, arrivés récemment dans cette région enclavée. Tiraillé entre deux mondes, deux façons de voir le monde, et accusé par les deux champs adverses, Waiyaki va devoir composer avec une société qui ne semble prête à trouver une nouvelle voie vers le futur.
Est-ce que l’équidistance est le chemin ?
‘The River Between’, le merveilleux chef d’œuvre de Ngugi Wa Thiong’o, a été écrit en anglais et sous le nom de plume de James Ngugi, c’est un de ses premiers romans. Petit à petit, Ngugi s’est montré de plus en plus critique avec le colonialisme. Il a récupéré son nom Kikuyu et il a changé l’Anglais par le Kikuyu comme à langue d’écriture. Peut-être la position mesurée du personnage central l’interprèterait comme trop timide maintenant ? Après connaître un peu l’évolution de l’auteur dans ses positions, la question peut se poser.
En effet, Waiyaki va s’opposer partiellement à son people et faire siennes certains principes de l’homme blanc (notamment l’éducation et le rapport à la circoncision). Il va essayer de trouver sa voie, navigant entre ces deux champs. Il va essayer de se maintenir dans cette rivière, qui se trouve juste au milieu de ces deux mondes. Mais va-t-il réussir à montrer ce chemin aux uns et aux autres ?
En tout cas, The river between, même s’il peut être vu comme un roman un peu simpliste vis-à-vis du conflit colonial, reste d’une poésie et d’un charme indéniable. Tout est là pour faire de ce livre un sommet de la littérature africaine. Le décor, la métaphore de la rivière, des séquences d’un pouvoir visuel stupéfiant. Les personnages sont simples mais très marqués, chacun symbolisant une position par rapport au conflit. Même l’histoire d’amour avec des tonalités de Romeo et Juliette (Bien sur les amants appartiennent à des clans rivaux) est développée avec peu de mots, avec une sensibilité sobre mais puissante. C’est seulement au milieu des deux collines, sur le rivage du fleuve, que l’amour pourrait dépasser toutes les distances imposées par la société.
Le roman traite sujets de grand complexité et difficulté (Le circoncision féminine, le racisme, le sexisme, le colonialisme) avec une grande délicatesse et intelligence, sans jamais tomber dans l’éducatif, et sans dénigrer ou renier aucune des positions possibles. Un maître.
‘La rivière de la vie’ est encore une autre traduction du titre en français complètement à côté de la plaque, où on perd toute la métaphore du titre original ‘The River Between’ : Les deux côtés affrontés de la tribu, chacun dans un côté de la rivière, et l’équidistance du personnage central, s’appropriant de l’espace au milieu.
Très facile à lire, récit linéaire sans trop des intentions ou éléments cachés. Sublime en toute simplicité.
Citation :
“A savior had come. He had opened the eyes of the people. He had awakened the sleeping lions. They would now roar, roar to victory.” (« Un sauveur était venu. Il avait ouvert les yeux du peuple. Il avait éveillé les lions dormants. Maintenant ils allaient rougir, rougir jusqu’à la victoire. » Traduction improvisée)
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