(1985)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Enfoncement du boucan, sur la côte Ouest de l’île Maurice, 1892. Alexis, enfant de huit ans, vit des jours paisibles en compagnie de sa sœur Laura, 9 ans, et ses parents. L’insouciance de la vie au gré de la nature et sous la présence omniprésente de la mer, sera perturbée lors de l’arrivé d’un ouragan meurtrier. Les projets pharaoniques de son père semblent tous tomber à l’eau, sauf celui qui fait référence à l’or du corsaire. Ce trésor mythique, après 200 ans, est censé dormir au fond d’un ravin dans l’île Rodrigues. L’enfant Alexis, fasciné par cette histoire, rêvera d’un jour quitter l’île Maurice et partir à la recherche de l’or du corsaire.
Roman d’aventures initiatique :
Alexis, partira donc sillonner l’océan à la recherche de cet or du corsaire, mais sans le savoir, ce voyage est bien sûr, un voyage initiatique au fond de lui-même. Sans spoiler, cet or qu’il cherche désespérément va dévoiler finalement, ses propres secrets à lui.
J’avais un peu renoncé à Le Clézio après avoir lu il y a quelques années ‘Ritournelle de la faim’, qui m’avait laissé un certain goût de pompeux et de prétentieux. Je le classais dans la catégorie des écrivains ‘intellos’, mais je me disais qu’il fallait essayer un autre de ces livres, et, beaucoup d’années après, j’entamais ‘Le chercheur d’or’ et, dès le début, j’étais conquis et surtout très surpris du style et ton du roman. Car, malgré une certaine teneur philosophique, le roman est plutôt une épopée d’aventures assez extraordinaire, narré d’une façon relativement conventionnelle et simple, sans stridences intellectuelles. Il y a bien sûr, pas mal des moments contemplatifs, qu’invitent à la réflexion, mais aussi séquences d’action époustouflantes, comme l’arrivée de l’ouragan, la première traversée de la barrière de corail à l’approche de l’île Rodrigues, ou la longue séquence des tranchées avant la bataille de la Somme.
Rassemblant donc action et réflexion, la force narrative du livre propulse le récit à travers les différentes étapes du voyage de notre héros, dans le décor somptueux de l’océan comme omniprésente toile de fond. Le ton nostalgique remplie de poésie qui teint tout le roman, est particulièrement marqué dans les premières sections et aussi dans les dernières.
Justement, l’émotion du récit dans la partie enfance du personnage principal (Le roman est narré à la première personne), me faisait croire que le côté autobiographique était bien marqué car on sentait l’amour du vécu. Puis pendant les séquences dans le bateau, j’ai aussi senti le vécu, puis aussi après dans la partie disons Robinson Crusoe, et puis aussi encore dans la partie première guerre mondiale. En fait ce n’est pas l’émotion du vécu, mais un stupéfiant talent visuel développé avec grande maîtrise littéraire. Il se peut qu’il y ait quand même, une partie autobiographique, car Le Clézio vécut la plupart de son enfance à l’île Maurice.
Un autre détail qui fascine est le soin qui Le Clézio prend à boucler (presque) toutes les lignes narratives ouvertes, en nous renvoyant constamment au passé idyllique du protagoniste, décrit dans la première partie du livre. Tous les personnages, espaces et objets qui ont marqué le roman ou ils ont eu de l’importance, seront retrouves d’une manière ou d’une autre et trouveront une forme de clôture, avant de dire au revoir à ce roman, très axé sur la nostalgie.
Une belle surprise et découverte, et je n’y manquerai pas de lire d’autre livres de ce prix Nobel si peu lu et si peu connu ailleurs l’univers francophone.
Citation :
« Du plus loin que je me souvienne, j’ai entendu la mer. Mêlé au vent dans les aiguilles des filaos, au vent qui ne cesse pas, même lorsqu’on s’éloigne des rivages et qu’on s’avance à travers les champs de canne, c’est ce bruit qui a bercé mon enfance. Je l’entends maintenant, au plus profond de moi, je l’emporte partout où je vais. Le bruit lent, inlassable, des vagues qui se brisent au loin sur la barrière de corail, et qui viennent mourir sur le sable de la Rivière Noire. Pas un jour sans que j’aille à la mer, pas une nuit sans que je m’éveille, le dos mouillé de sueur, assis dans mon lit de camp, écartant la moustiquaire et cherchant à percevoir la marée, inquiet, plein d’un désir que je ne comprends pas. »
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