(1985)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Afrique Centrale. Lors d’une veillée devant le feu, Ngalandji, vénérable octogénaire et patriarche du village, raconte l’histoire de la pérégrination de la tribu, bien avant la colonisation. Lorsqu’il était adolescent le village se situait ailleurs, mais l’arrivée en Centrafrique de tribus d’esclavagistes venus du Chad et du Soudan provoqua ce dramatique changement. Après une razzia dans leur village, tous les habitants furent réduits en esclaves et forcés à marcher dans des conditions déplorables pendant de longues et éreintantes journées. Immobilisés par des douloureux carcans, traités pires que des chiens, exécutés sans aucune hésitation, leur mode de vie paisible semblait condamné à disparaître dans cette lugubre caravane.
Mémoire du peuple centrafricain :
Comme l’avaient fait auparavant d’autres écrivains africains comme Amadou Hampâté Bâ au Mali ou Thomas Mofolo au Lesotho, Goyémidé met sur papier la mémoire de tout un peuple, une culture et une façon de vivre. Au-delà de ses valeurs littéraires incontestables, ‘Le dernier survivant de la caravane’ et aussi son œuvre précédente ‘Le silence de la forêt’ (1984), sont des documents précieux déjà par sa fonction de témoignage et sauvegarde de l’héritage culturel de tout un peuple.
Dans un récit qui est très prêt de l’oralité traditionnel de la littérature africaine pré-colonisation, la terrible histoire de cette caravane est entremêlée avec des fables et des courtes légendes qui offrent des aperçus de la culture et les traditions de ce peuple centrafricain, et de sa philosophie de vie, basée sur l’entraide et le respect dans la communauté. C’est dans ces histoires intercalées que le roman prend tout son sens, complétant ainsi le récit de la migration forcé du village par des métaphores, des paraboles et des profondes réflexions. Le sujet central du livre est sans doute le besoin de sauvegarder cette mémoire et transmettre ces vraies valeurs.
Bien entendu, comme d’habitude dans ces œuvres moitié littérature moitié légende, les personnages ne sont pas importants en tant qu’individus, c’est plutôt la lutte de tout un peuple contre les forces du mal qui est au centré du récit. Ces esclavagistes venus des contrées du nord sont des êtres sans âme, dépourvus de toute compassion et humanité, tandis que notre peuple centrafricain est composé des hommes et femmes de valeur, pleins de sagesse et bienveillance, forts autant dans la résignation que dans le combat, des héros sans faille. Même si pour certains lecteurs ce manichéisme marqué, aussi comme le manque de caractérisation des personnages, peuvent limiter la portée strictement littéraire du livre, en réalité cela ne nuit pas le récit, qu’il garde malgré tout une puissance indéniable.
Citation :
« Le sommeil est le refuge incontestable des êtres-humains ; un refuge extrêmement dérisoire et fragile, qui est cependant un aspect de la liberté inaliénable. La mort elle-même est un sommeil qui soustrait l’esclave à sa condition, et le réhabilite dans son rang et ses prérogatives d’homme, en le mettant sur un pied d’égalité avec ses maitres. »
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