(Al-Sukkariyya , 1957)
Traduction : Philippe Vigreux. Langue d’origine : Arabe
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Troisième et dernier volet de la fresque familiale dédié à la vie de la famille de Ahmed Abd El-Gawwad, après ‘Impasse des deux palais’ et ‘Le palais du désir’. On est vers la fin des années 30 du XXe siècle, et maintenant l’Égypte s’affirme comme pays indépendant, tiraillé entre les tensions avec le Royaume uni et la menace nazi à l’horizon.
Ahmed Abd el-Gawwad, le patriarche, malade et affaibli, est cloîtré à la maison et n’est plus qu’une ombre de lui-même. Amina, peut finalement prendre du temps pour sortir de la maison, mais elle n’est plus la femme courageuse qu’elle était. Puis ses enfants ont grandi et ont leurs propres familles et soucis : Yasine, le fils ainé, s’est finalement quelque peu rangé et ne fait plus (ou peu) ses virés de vice et perdition. Aïsha est revenue à la maison de ses parents après que la mort s’est cernée sur sa famille, et essaie de surmonter l’insurmontable. Khamal travaille comme professeur et commence à s’intéresser à la situation politique, tandis qu’il regrette les opportunités perdues. Khadiga, avec ses deux enfants, a complètement assumé son rôle de matriarche de sa famille, sans arrêter de rouspéter, comme à son habitude. Maintenant c’est la troisième génération qui prend le relais. Notamment avec les enfants de Khadiga, Ahmed et Abd-el-Monem, qui sont toujours affrontés par leur idéologie opposé, communiste l’un, frère musulman l’autre.
La trilogie s’achève :
La fin de la trilogie est très sobre, sans stridences ni fastes du style, en toute simplicité. Toujours le contraste entre les personnages est ce qui va déclencher l’action et l’introspection psychologique est travaillée en finesse, comme d’habitude chez Mahfouz. Le contexte historique s’immisce habilement dans le quotidien de la famille. On est à la fin des années 30 et la situation politique de l’Égypte est très instable, et surtout l’éclat de la deuxième guerre mondiale va bouleverser le quotidienne au Caire.
Les scènes à intense atmosphère et pouvoir visuel qui caractérisaient les deux premiers volets sont plus éparses dans ‘Le jardin du passé’. Cette fois l’heure est plus à la discussion politique, sociale et religieuse. En effet, le contraste entre les deux fils de Khadiga est le noyau du roman. Représentant deux engagements complètement différents, social un et religieux l’autre, en réalité les frères Ahmed et Abd-el-Monem sont deux visages de la même monnaie. Le personnage est presque le même, solide, digne et déterminé.
Mais le sujet principal de ce troisième volet est plutôt le déclin. Le passé est omniprésent dans le roman, et il nous renvoie l’idée que le futur ne sera peut-être pas aussi brillant qu’on avait cru. Ces personnages qu’on a suivi et aimé malgré tous leurs défauts, arrivent à l’âge de la réflexion et réalisent que ses rêves de jeunesse ne se réaliseront pas, et la plupart de leurs espoirs est parti en fumé. Les regrets, le souvenir du frère disparu et en général la nostalgie d’une époque révolue, teignent ce roman d’un ton crépusculaire très attachant.
C’est un très beau roman, mais un peu trop bavard par moments et avec moins d’action et atmosphère que dans les deux premières parties de la trilogie. Aussi, l’introduction de la nouvelle génération de personnages et la discussion politique laisse peu de temps pour approfondir dans certains personnages, notamment les deux parents Ahmed Abd el-Gawwad et Amina et leurs enfants Khadiga et Yasine, qui avaient beaucoup plus de rôle dans les volets précédents, mais qu’ici ont une participation un peu trop épisodique. Les autres frères, Aïsha et Khamal, sont les deux seuls personnages du passé qui prennent vraiment de l’ampleur dans ce troisième volume.
La pauvre AÏsha est un personnage complètement différent, avec le lot d’infortune qui s’est abattu sur elle, et qui a fait disparaître toute tracé de la belle et ingénue Aïsha qu’on avait connu dans ‘Impasse des deux palais’.
Troisième volet de la Trilogie du Caire, qui comprend aussi les romans : ‘Impasse des deux palais’ et ‘Le Palais du désir’. C’est fort recommandable les lire dans l’ordre. Chacun des volumes porte le titre d’une rue du Caire, concept malheureusement perdu lors de la traduction en français, où on a privilégié l’exotisme.
Citation :
“Moi qui n’ai connu de vie que celle dont il était le centre, comment pourrais-je la supporter lorsque toute trace de lui s’en est effacé ? »
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