(2000)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Dans un pays ravagé par la guerre, Marie décide de rejoindre Steph, son amour depuis qu’ils étaient très jeunes. Elle a reçu sa lettre et, comme lui, elle est décidée à laisser en arrière la crise qu’ils viennent de traverser et le retrouver pour renouer leur amour. Mais, lorsque Marie s’apprête à le joindre au point de rendez-vous de l’autre côté du pont, elle reçoit une balle en plein dos. Difficile d’avancer plus. Dans un souffle de vie, elle s’arrête, agonisante. Un couple âgé qui quittait le quartier dévasté s’arrête pour essayer de l’aider. Comment faire parvenir à Steph le message de Marie ? Elle l’aimait, elle arrivait.
Compte à rebours pour l’amour dans les décombres de la guerre :
Ce merveilleux roman, remarquable par sa construction polyphonique et son style élégant et poétique, est une œuvre très simple, presque minimaliste, qui dégage un humanisme saisissant malgré le fatalisme engrainé dans son histoire. Le récit se déroule dans un pays en guerre qui n’est absolument pas mentionné dans le livre. Chedid écrit souvent sur la guerre civile Libanaise (pays dont sa famille était originaire), mais certaines critiques évoquent plutôt la guerre des Balkans comme le cadre où se déroule ce roman. Peu importe où, la guerre existe dans le roman comme à absurde contrepoint à l’amour.
Cinq personnages se donnent rendez-vous dans cette histoire, chacun prendra une position différente face à l’agonie de Marie et son impossibilité pour se rendre au point de rendez-vous. Steph et Marie sont les amoureux séparés par le pont et par la blessure de Marie. L’un déçu de ne pas la voir arriver, l’autre terrifiée à l’idée que son message n’arrive pas à destination. Le couple plus âgé se positionnent comme un reflet de ce que Marie et Steph auraient pu devenir en vieillissant ensemble. Et puis un cinquième personnage, Gorgio, sniper torturé en quête de rédemption, multipliera les possibilités dramatiques du récit.
Pendant que la narration principale au présent se déroule sur à peine une heure ou deux, presque au ralenti, le récit revient en arrière dans le temps, pour des courts flashbacks qui vont compléter les portraits de ces cinq personnages. Le récit passe de l’un à l’autre, en avant et en arrière dans le temps, vertébrant d’une façon simple et brillante le roman. Ce dispositif polyphonique de la narration est sans doute un de ses meilleurs atouts.
Le lecteur sait que Steph aime Marie et que Marie aime Steph. Mais Steph ne le sait pas, et il attend anxieux qu’elle se présente au point de rendez-vous avec une réponse positive à sa déclaration d’amour. Évitant le piège de vouloir accrocher trop facilement le lecteur avec une intrigue haletante mais creuse, le roman reste sobre et épuré, jamais poussif. Chedid utilise à bon escient les ficelles de la comédie romantique classique, pour les transformer dans quelque chose de beau, et de profondément humain. Il faudra traverser toute une odyssée de difficultés pour rejoindre l’être aimé. Dans la comédie romantique c’est souvent la pluie, ici ce sera les balles.
Au de-là du pacifisme et l’humanisme de sa thématique, ‘Le message’ est une ode à l’amour et à sa capacité à transformer les êtres humains.
Citation :
« Elle avait vu trop de morts, trop de sang, trop de souffrances ; entendu trop de bombes, trop de rafales. Elle s’étonnait qu’ils puissent encore être là, avançant d’un même pas ; encore vivants, encore réunis. Au cœur de cette destruction elle eut soudain un sentiment de paix »
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