Littérature des 5 continents : AfriqueRwanda

Le passé devant soi

Gilbert Gatore

(2008)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Le livre entremêle les histoires de Niko et Isaro :

Niko est un jeune muet et simple d’esprit, qui prend refuge avec des singes menaçants dans une grotte perdue dans les collines. Il essayer d’apaiser les tourments déclenchés par le génocide rwandais, vécu en première personne.

Isaro, est une jeune fille d’origine rwandaise adoptée en France. Elle mène une vie insouciante lorsque un jour elle sera perturbée par les nouvelles terrifiantes qui viennent de son pays d’origine. C’est le début d’un voyage initiatique qui la mènera à confronter un passé qu’elle a oublié.

Oublier ou s’en souvenir :

Un très beau roman sur le génocide Rwandais, porté par la voix de Gatore, écrivain né au Rwanda en 1981, qui a vécu en première personne ces sombres évènements mais qui refuse de qualifier son roman de témoignage. On est donc dans un récit complètement romancé, situé dans l’atmosphère oppressante et absolument réel du génocide Rwandais de 1994. Sans épargner l’absurde et l’horreur de la tuerie, le roman ne traite pas le sujet du génocide globalement, mais plutôt son effet quotidien chez les habitants.

Le génocide des Tutsis au Rwanda se déroule du 7 avril au 17 juillet 1994. Même si les racines du conflit ethnique il faut les chercher des décennies plus tôt, l’élément déclencheur sera l’assassinat des présidents rwandais et burundais, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira, quand l’avion qui les menait direction Kigali, a été abattu par un missile. Dans la foulée les Tutsis commencent à être systématiquement assassinés, tout Hutu modéré est suspecté de traîtrise et aussi assassiné, comme la première ministre Agathe Uwilingiyimana. Toute tentative d’apaisement du conflit est considérée de la haute trahison. Les troupes du FPR (Front patriotique rwandais) traversent la frontière Ougandaise et s’y rendent sur Kigali. C’est le début d’une centaine de jours où le Rwanda bascule complètement dans l’horreur.

En deux séquences parallèles très distinctes, le livre suit deux personnages complétement différents et opposés. Isaro et Niko représentent les deux faces contraires de la même monnaie : Oublier ou s’en souvenir. Tandis que la belle Isaro veut justement récupérer ce passé qu’elle a oubliée, et dont le souvenir lui a été épargnée par le soin de ses parents adoptifs, le muet Niko voudrait plutôt oublier ce traumatisme que le génocide a laissé chez lui, et qui hante toutes ses heures. La partie narrative d’Isaro, relativement plus courte, est décrite d’une façon conventionnelle et assez terre à terre, tandis que la partie de Niko, le gros du roman, est remplie des digressions et moments hallucinatoires, mêlant violence et rêve dans un ensemble assez étrange et réussi. C’est dans ce contraste entre ces deux univers et deux styles narratifs qui se trouve l’âme du roman.

Gatore présente d’abord les personnages après le génocide, dans leur nouvelle vie et environnement. Puis, on reviendra, lors de plusieurs analepses, sur leurs passés. L’empathie créée au début devrait permettre plus tard de juger leurs passés d’une façon plus objective. La rédemption après l’horreur et le deuil des traumatismes sont les sujets centraux de ce livre courageux, cru et beau, qui est annoncé comme le premier volume d’une série appelée ‘Figures de la vie impossible’, qui, au moment d’écrire ces lignes, n’a pas eu de suite.


Citation :

« Que répondrais-tu à quelqu’un qui affirmerait qu’un meurtrier, même le plus acharné, ne se confond avec son geste qu’au moment précis où il le commet ? Avant ce geste quelque chose du futur assassin n’est pas encore dans le meurtre et, après, quelque chose du coupable ne s’y résume pas. »

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