(Maru, 1971)
Traduction : Christian Surber. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Une jeune orpheline de la tribu Masarwa est adopté par une missionnaire anglaise qui lui cèdera son propre nom et prénom en plus d’une bonne éducation. La jeune Margaret Cadmore est un élève modèle qui brille et s’épanouit dans le système scolaire de Botswana. Graduée première de sa classe, Margaret est assignée à un poste de professeure des écoles dans la petite ville de Dilepe. Malgré ses efforts et la réussite totale de son travail, Margaret sera victime de toutes sortes de vexations et mépris raciste par son appartenance à la tribu Bushmen Masarwa.
Malgré cela, Margaret établira une solide amitié avec une autre professeure, Dikeledi, et attirera l’attention des deux amis et leaders du village : Marou (frère de Dikeledi) et Moleka (l’homme dont Dikeledi est amoureuse). L’amitié des deux hommes va se tourner en une extrême rivalité pour la jeune Margaret, cependant détestée et ostracisée par tout le monde.
Scandale ethnique à l’école :
Très beau court roman (ou longue nouvelle selon) qui réfléchit principalement sur le racisme, mais aussi sur les différences de classes, les préjugés, la jalousie, l’amour et l’amitié. Inspiré par son propre vécu (Head fut la fille d’une riche femme blanche et son serviteur noir), le roman présente une héroïne lumineuse malgré la haine qui se cerne sur elle, insistant grâce à ce paradoxe sur l’absurde du racisme. Margaret est d’ethnie Masarwa tandis que Dikeledi, Marou et Moleka appartiennent à l’ethnie Tswana, considérée classe supérieure.
Avec un style sobre et subtil, Head commence le roman par la fin, donc on sait que Marou a fini pour se marier avec Margaret, mais le spectre de ces amours croisés et la rivalité acéré avec Moleka sont toujours présents. Puis le récit va revenir en arrière, où on trouvera les origines de ce quadrangle amoureux et ses complications subséquents. Les deux amis sont amoureux de Margaret mais sans vraiment parvenir à tenter une approche romantique. Elle est une Bushmen, une intouchable, pour Marou et Moleka ce serait une chute sociale sans précédents, d’autant plus que les Masarwa sont encore des esclaves (Marou lui-même a plusieurs esclaves de la même ethnie que Margaret). Mais Marou a une vision, une vision de changement positif (voir citation), mais qui mettra en place d’une façon moralement très débattable, mais je préfère ne pas spoiler davantage.
Le contraste entre les deux hommes et entre les deux femmes est marquant. Côté masculin, Marou est plus serein, manipulateur et calculateur tandis que Moleka est plus désinvolte, impétueux et spontanée. Côté féminin, l’amitié entre les deux femmes est, malgré leurs différences, le seule relation solide et saine de tout le roman. Tout le reste de rapports sont teintes du racisme, du classisme, du sexisme, de la haine et/ou du calcul.
Avec la dénonciation du racisme et du sexisme, le roman dépeint de façon réaliste un monde dans lequel les femmes importent peu. Malgré les quelques réussites que les deux femmes rencontreront le long du récit, le point de vue masculin teindra toujours à s’imposer.
Pour on ne sait pas quelle raison, Maru est appelé Marou dans la traduction française (dont dans le titre du livre).
Citation :
« L’homme qui s’éloigna doucement d’eux était un roi dans leur société. Le jour était arrivé, où il avait décidé qu’il n’en avait plus besoin d’autre royauté que celle de la femme que tout le monde détestait du plus profond de leurs cœurs. »
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