(Life & times of Michael K, 1983)
Traduction : Sophie Mayoux. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Afrique du Sud. Dans un pays ravagé par la guerre civile, la ville de Cap Town est livrée au chaos, impossible de la quitter sans visa. Michael K et sa mère très malade, sans ressources ni argent, squattent chez des anciens employeurs. Ils décident de partir clandestinement à pied pour rejoindre la campagne dont sa mère est originaire. Michael installe sa mère dans un landau de fortune et se lancent sur les routes, tout en essayant d’éviter les contrôles. Le voyage sera de courte durée. Seul, Michael essaie quand même de gagner la campagne, mais il risque d’être pris par les patrouilles militaires qui rodent de partout, emprisonnant les gens dans des champs de travail.
Parabole d’un homme incompris :
Ce livre étrange et probablement assez symbolique n’est pas pour tout le monde. C’est beau, dur et original, mais la lecture peut s’avérer laborieuse et son protagoniste principal est difficile à saisir car assez peu communicatif. Problème psy, faiblesse d’esprit, trouble autistique ? Ce n’est pas clair, mais les rapports de Michael avec le monde ne sont pas faciles. La narration ne nous dit même pas s’il est noir ou blanc, quoique selon le pays et le contexte on pourrait imaginer qu’il est noir. Peu importe, sans sa mère, Michael K. aura des difficultés majeures pour s’adapter à la société. Dans un voyage sans destin, il passera d’une institution à une autre sans que jamais on puisse le comprendre. Incapable de s’exprimer correctement, ou même de raconter sa propre histoire, tout deviendra affreusement difficile pour lui.
Michael K. a été marginalisé dès sa naissance. Avec son bec-de-lièvre et ses difficultés communicatives et cognitives, il a été la victime facile des moqueries, et la seule personne qui l’a aimé est sa mère. Cet homme spécial, silencieux et solitaire, se trouve seulement à l’aise avec la terre. Jardinier de profession, Michael K. trouve plus de chaleur humaine dans ses rapports avec les légumes qu’il fait pousser, et les graines qu’il garde précieusement. Totalement incapable de s’intégrer, les champs de travail vont représenter une expérience trop dure et invivable pour lui.
Sans chapitres apparents qui permettraient une respiration nécessaire, la première partie se déroule en continuité pendant deux bons tiers du livre, et est sans doute la plus cryptique et difficile à suivre. Sans spoiler, vers la partie 2, apparaît un nouveau narrateur, un médecin militaire, qui sera le seul qui semble comprendre Michael, et qui ouvre un peu plus le récit à une compréhension plus claire. Mais après cette étrange épopée de communication forcée et de rupture d’isolement, on n’est même pas surs que Michael lui-même souhaite survivre. Est-ce que cela sera trop tard pour lui ?
C’est probablement une métaphore anti-raciste, contre la discrimination de celui qui est différent, une critique de la société qui opprime et oblige aux individus à être d’une certaine façon. Au-dessus de tout, le thème du livre semble être la dignité humaine. L’écriture est simple et directe, presque décharnée. C’est beau et triste, mais aussi étrange et déroutant.
Booker Prize 1983.
Citation :
« Toujours, quand il essayait de s’expliquer à lui-même, il restait toujours un espace vide, un trou, une obscurité devant laquelle sa compréhension rechignait, dans laquelle il était inutile de verser des mots. Les mots étaient avalés, l’espace vide restait. » (Traduction improvisée)
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