(2017)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Port-au-Prince, Haïti, 2010. Le Docteur Ruben Schwarzberg, presque centenaire, remémore l’incroyable épopée de son parcours de vie : Ruben est né en Pologne en 1913 dans une famille juive très aimante. Obligés de fuir la Pologne, la famille s’installe à Berlin où Ruben fait avec succès des études de médecine. La montée du nazisme provoque en 1938 l’éclatement de la famille, qui se disperse dans plusieurs pays : Cuba, États-Unis, Israël. Après mille périples et vicissitudes, et un long périple à Paris, Ruben sera adopté par sa nouvelle patrie : Le Haïti.
Odyssée d’un haïtien né polonais-juif :
Ce roman magnifique se construit autour d’un long flashback dans lequel le vieux Dr. Schwarzberg remémore tous ces souvenirs qu’il a souvent voulu oublier. La structure littéraire est très solide, le livre est divisé en trois parties de longueur plus ou moins équivalente, qui retracent d’abord l’époque de l’exil à Berlin, puis la partie parisienne, et finalement son arrivée et sa vie à Haïti.
On sait dès le départ que Ruben va finir ses vieux jours en Haïti, ce qui nous fait regarder d’une façon privilégiée, chaque fois que ce pays s’immisce dans sa vie. Et cela, même avant de naître, son propre prénom étant tiré d’un essai Haïtien titré ‘L’égalité des races humaines’ que sa sœur aînée lisait inlassablement. Parfois des coïncidences fortuites, parfois une rencontre qui mène à une autre, la présence bienveillante de l’Haïti, s’entremêle progressivement dans sa vie d’une façon presque naturelle, évidente, comme si Ruben et le Haïti étaient prédestinés à se retrouver.
Un des sujets de ce roman réjouissant est bien sûr le racisme et la diversité, mais aussi l’héritage culturel, la tradition juive, la shoah, le déracinement, la diaspora. Le roman aborde ces sujets sensibles sans la moindre gravité, mais avec beaucoup de lumière et sensibilité et un optimisme insultant. Le roman est surtout une ode d’amour à l’Haïti, véritable héros central du roman, décrit comme terre de valeurs, terre d’accueil, terre de diversité, où on peut recommencer sa vie et tisser des vrais liens humains.
Dans le prologue, Dalembert souligne que le Haïti fut le premier pays à abolir l’esclavage. Le pays décréta que tous les juifs fuyant le nazisme avaient le droit d’adopter la nationalité Haïtienne, et enfin, le pays déclara carrément la guerre en 1942 à l’Allemagne et ses alliés italiens.
Ruben Schwarzberg est un homme très solide, même face à l’adversité. Avec des valeurs stables et nobles, peu intéressé à la mondanité, et un peu coincé, Ruben souvent préfèrera la solitude, et se réfugiera derrière une certaine timidité. Autour de lui, une belle panoplie de personnages très divers, de tous les sexes, religions et ethnies, souvent hauts en couleur, et toujours intéressants, peuplent ce roman et contribuent à lui donner ce teint positif et rageusement humaniste.
C’est une œuvre très romanesque, presque un feuilleton, remplie des rebondissements et de situations bizarres parfois dramatiques, parfois drôles, et parfois les deux. Comme l’arrestation hilarante perpétrée par deux policiers français très arrogants, qui confondent le Haïti avec le Tahiti. Le livre est narré avec un style élégant, sobre et très classique, presque comme s’il avait été écrit il y a cent ans. J’ai dévoré ce roman en un jour et demi, porté par la sensibilité avec laquelle les sujets les plus épineux sont abordés, et par le ton résolument optimiste et lumineux. La lecture de ‘Avant que les ombres ne s’effacent’ fut un vrai plaisir et je n’y manquerai pas de lire d’autres livres de Dalembert.
Citation :
« S’il avait accepté de revenir sur cette histoire, c’était pour les centaines, les millions de réfugiés, qui, aujourd’hui encore, arpentent déserts, forêts et océans à la recherche d’une terre d’asile. Sa petite histoire personnelle n’était pas, par moment, sans rappeler la leur. Et, puis, pour les haïtiens aussi. Pour qu’ils sachent, en dépit du manque matériel dont ils avaient de tout temps subi les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur errance, qu’ils restent un grand peuple. »
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