(Five little indians, 2020)
Traduction : Isabelle Maillet. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Saskatchewan, Canada. Le long du XXe siècle des milliers d’enfants indiens sont séparés de force de ses familles pour être placés dans des pensionnats spéciaux, institutions chrétiennes qui travaillaient avec l’objectif de l’assimilation totale des peuples amérindiens à la culture ‘blanche’ majoritaire. Le roman suit les vies de cinq d’entre eux : Kenny, Lucy, Maisie, Howie et Clara. À l’adolescence, ces enfants finiront pour quitter ces établissements scolaires où ils étaient prisonniers et vont rejoindre la société commune. Chacun à sa façon essayera de fuir ce passé traumatique. Leurs vies parfois se recroiseront, et se soutiendront face à l’adversité, mais leurs perspectives seront restreintes et difficiles. Alcool, emplois précaires, discrimination, dégout de soi, les conséquences de ce traumatisme les accompagneront toute leur vie adulte.
Un manque que rien ne peut combler :
Le roman suit les vies de ces cinq enfants du peuple amérindien Cris des plaines, qui appartiennent à la nation Red Pheasant, à Saskatchewan. L’autrice fit une recherche très documentée sur les survivants de ces établissements promus par l’état qui visaient au déracinement et assimilation de la culture amérindienne. Ce qu’on appelle maintenant un génocide culturel. Les histoires qui sont narrées dans le livre découlent en bonne partie du vécu réel des témoignages collectés par Good le long de d’une dizaine d’années de travail, ainsi comme de la propre expérience de sa mère, victime de ces enlèvements forcés.
Ces pratiques se déroulèrent depuis la fin du XIXe siècle, le dernier pensionnat fermant ses portes en 1996. On parle de plus d’un siècle de déracinements forcés, quelques 150.000 enfants autochtones enlevés à leurs familles, élevés dans des conditions effroyables, souvent victimes de violences, malnutrition, sévices et abus sexuels dans des institutions soutenues par l’état et l’église. C’est un scandale majuscule et un opprobre phénoménal qui tâche l’histoire du Canada et dont les blessures ne seront peut-être jamais complètement guéries.
Comment se reconstruire après cette enfance vécue dans l’enfer ? Comment retrouver l’apaisement lorsque la propre identité a été bafouée ? Comment laver cette souillure que se colle à la peau ? Les vies de ces cinq enfants traumatisés seront complexes et leurs échappatoires restreintes, dans l’impossibilité de revenir à l’insouciance que leur a été volé. Marqués par ce manque que rien ne peut combler, ils essayent, chacun à sa façon, de composer avec des gros problèmes d’estime de soi. Le roman est très dramatique et dur sur les conséquences psychologiques à long terme d’un tel trauma, mais malgré tout transmet une lumière d’espoir.
Le sujet est prenant et touchant mais malheureusement le traitement littéraire est peu subtil. Le roman manque de finesse à tous les étages, notamment à niveau dialogues. Les personnages s’expriment d’une façon très peu naturelle, souvent véhiculant directement ce dont on a besoin à chaque moment. Peu de travail sur les non-dits, les nuances, ni sur le dialogue indirect. Les métaphores sont souvent très banales, exemple : « Mais l’amour, c’est n’est pas simple comme une recette de cuisine qu’il suffit de suivre à la lettre pour réussir un plat ». En plus de ces dialogues plats et poussifs, d’autres signes dévoilent une écriture pas complètement aboutie : Parfois le récit se fait à la première personne, parfois à la troisième sans qu’il semble y avoir une raison apparente.
ail est quand même émouvant par l’authenticité du contenu et remarquable par sa qualité documentaire. La dénonciation historique est juste et très nécessaire, mais littérairement parlant on reste un peu sur notre faim.
Citation :
« Elle devait parfois se ressaisir, se dire que personne ne la surveillait, n’attendait que le moment de se jeter sur elle. Elle éprouvait alors une intense exaltation à la pensée que ses choix lui appartenaient. »
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