Littérature des 5 continents : AmériqueCuba

Cobra

Severo-Sarduy

(Cobra, 1972)
Traduction :   Philippe Sollers.   Langue d’origine : Espagnol

Ce que raconte ce roman :

Le théâtre lyrique des poupées est une maison close dans laquelle quelques hommes travestis dansent sur scène et offrent des services sexuels. Cobra en est l’étoile principale, mais préoccupée par la taille de ses pieds, ce travesti n’arrive pas à confirmer son ultime transformation en femme fabuleuse. La Señora, propriétaire des lieux essayera pour tous les moyens de réduire la taille des pieds de Cobra, en les massacrant avec des supplices divers, sans effet. La recherche de cette métamorphose mènera Cobra et ses amies dans un étrange voyage en Inde et à l’intérieur d’elles-mêmes.

Délire hallucinatoire plus plus :

Oui bon, le résumé est à prendre avec des pincettes, car le roman est incroyablement surréaliste et opaque, et très peu de ses phrases sont ancrées dans le réel. On ne sait pas clairement si dans ce prostibule (s’il en est un) les artistes sont des femmes ou des homosexuels travestis, ou bien une peu des deux. Tous parlent au féminin mais je penche plutôt pour un univers totalement masculin de folles et travestis en tout genre, quoiqu’il pourrait s’agir aussi des vraies femmes transgenres. C’est difficile à dire car, en plus du style déchanté, c’est Cuba et c’est 1972, donc rien n’est pas trop concret ni à niveau sexualité ni d’identité de genre.

Encensé comme le plus important représentant du néo-baroque cubain, l’œuvre de Sarduy est déroutante et complexe. Pour ces lecteurs habitués à la littérature cubaine de la deuxième moitié du XXe siècle, ces extravagances narratives ne seront pas si étonnantes que cela. Mais il faudra quand même savoir que ce roman est beaucoup plus loufoque et dément que ce qui ils n’aient jamais pu proposer Alejo Carpentier ou Cabrera Infante, et même un cran au-dessus de Lezama Lima, Abilio Estévez, et même Reinaldo Arenas. Avec une tonalité similaire au ‘Monde hallucinant’ d’Arenas, ‘Cobra’ est un pur délire sans queue ni tête où la narration échappe complètement à toute maitrise, logique ou ordre, au bénéfice d’un récit expérimentale et surréaliste, centré sur les sensations et l’abstrait. Je pari que le lecteur lambda aura du mal à dépasser quelques pages, même si l’écriture est belle et l’exhibition lexicale considérable.

L’idée de la transformation à travers les tourments, ce voyage en Inde rempli d’expériences sensorielles étranges marquées par le bouddhisme et le tantrisme, et ce mélange du réel et de l’ésotérique avec le sensuel et le cauchemardesque, pourrait fortement faire penser à l’œuvre de quelqu’un sous les effets des drogues hallucinatoires. Personnellement je vois ce texte osé, mais un peu dépassé et désuet.

Malheureusement, cette frénésie hallucinatoire n’est pas suffisamment fascinante comme pour susciter un vrai intérêt littéraire à mon sens.


Citation :

“Il faut théâtraliser l’inutilité de tout ! »

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