(Elena sabe, 2007)
Traduction : Claude Bleton. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Elena souffre du Parkinson. À l’aide de doses régulières de Dopamine et des efforts colossales, Elena a décidé de traverser la ville pour se rendre chez la seule personne qui pourrait l’aider à résoudre le mystère de la mort de sa fille Rita, trouvée pendue du clocher de l’église un jour de pluie. Elena ne croit pas à la version du suicide qui le répètent inlassablement les policiers. Elena sait. Sa fille a été assassinée. Elena se propose de mener sa propre enquête malgré la maladie qui la ronge et qui empêche son corps de suivre les ordres de son cerveau.
Elena sait :
Mais c’est quoi ce titre français ? ‘Elena sait’ (‘Elena sabe’) aurait été parfait, car reflète à la perfection l’obsession de la vieille dame par continuer son enquête malgré que personne la croit et que tout est en contre d’elle, à commencer par son propre corps. Mais elle sait, Elena sait. Ce roi détrôné du titre français, mentionné deux fois dans le livre, est le cerveau d’Elena, qui a démissionné pour céder la place à la maladie. Le Parkinson est traité comme un personnage à part entière du roman, Elena l’appellera ‘Elle’. Une bonne partie de ce court roman est consacré à la description de l’invalidité d’Elena, aux conséquences de son Parkinson, et à sa vision du monde limitée par l’inclination permanente de sa tête qui la condamne à poser son regard en permanence vers le sol. Cela donne une atmosphère angoissante à la narration et puis, comme ne pouvait pas être autrement avec une telle protagoniste, un développement lent mais implacable.
L’intrigue et l’action sont rythmées par les pauses qu’Elena doit prendre à chaque nouvelle dose de Dopamine, que doit lui permette de continuer à fonctionner pendant quelques heures, de continuer à avancer dans l’enquête de la mort de sa fille. Elle a tout calculé, le nombre des rues, le nombre de stations, presque le nombre de pas. Mais lors de son parcours dans Buenos Aires, Elena le sait, elle fera face à plusieurs moments où son corps s’arrêtera. Cette paralyse progressive qui hante Elena, lui surviendra parfois dans un taxi, parfois ailleurs. Elle est sa grande ennemie, la seule qui peut empêcher de résoudre le mystère de l’assassinat de sa fille Rita.
C’est dur et impitoyable. Avec un langage simple et direct, le roman a une intrigue minimale, mais une perspicacité psychologique remarquable qui sied dans la description ultra-détaillée du quotidien et de la problématique de la protagoniste principale. ‘Elena sabe’ est probablement le succès international le plus marquant de Claudia Piñeiro, mais vue le talent notable de cette autrice argentine, on s’attend à des œuvres majeurs dans l’avenir. Personnellement j’ai trouvé que son travail comme nouvelliste est peut-être encore plus intéressant et accompli. Son fabuleux recueil ‘Quién no’, pour l’instant sans traduction en français, en est la preuve palpable.
Citation :
« (…) depuis que son corps est à Elle, à cette putain de salope de maladie, Elena n’est plus maîtresse de ses larmes. Même si elle ne le veut pas, rien à faire, les larmes sortent de ses glandes et roulent sur ses joues rigides comme pour arroser un champ aride. »
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