(Hijo de Hombre, 1960)
Traduction : François Maspero. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Recueil de petites histoires reliées entre elles qui retracent la vie de plusieurs personnages dans deux villages isolés dans la campagne paraguayenne, Sapukai et Itapé, des débuts du XXe siècle dans la dictature, jusqu’à la fin de la guerre du Chaco qui affronta le Paraguay et la Bolivie.
Le peuple paraguayen :
Dans un récit complexe et non linéaire, rempli des allers-retours dans le passé, Roa Bastos met en scène le peuple paraguayen, avec toutes ses contradictions, ses inquiétudes religieuses, son combat pour sortir de l’exploitation des puissants, et sa quête de l’indépendance et de la dignité face à l’oppression. La dualité de langue de l’œuvre, qui inclut beaucoup d’expressions en Guarani, et même des personnages qui ont un double nom selon la langue avec laquelle ils sont approchés, est une des préoccupations centrales de l’auteur. Même si l’espagnol est ma langue maternelle, la lecture de ce livre est laborieuse par cet aspect et aussi par un style de narration très éclatée et éparse. Un chapitre sera narré à la première personne et le suivant à la troisième. Mais, très souvent, on ne sait pas trop bien qui est en train de nous narrer l’histoire, et exactement à quel moment on est. Dans ces petites nouvelles, à priori indépendantes, on recroise personnages et situations qu’on a déjà vus, mais sous une optique complètement différente.
Certains chapitres, narrés à la première personne, introduiront les réflexions d’un personnage que plus tard on apprendra qu’il s’appelle Miguel Vera. En plus de ce narrateur volubile, le roman se centre sur la figure de Cristobal Jara, celui qui, à mon sens, donne le titre au roman. Il deviendra une espèce de héros dans la guerre du Chaco. Mails le roman (ou recueil des nouvelles) est plutôt polyphonique, avec beaucoup de personnages qui s’entremêlent.
Parmi les histoires qui m’ont plus intéressé, ma favorite est celle d’un homme mystérieux parlant une langue étrange, qui arrive par le train à Sankupai. Le village est tout en émoi car l’étranger ne parle à personne et les théories les plus incroyables courent sur sa personne. Il s’agit d’un émigré russe qui montrera ses aptitudes pour la médecine. Quand il deviendra un docteur bénévole à plein temps, les avis vont changer, et il sera accepté par le petit monde du village. Mais le mystère persistera. Petites bribes de cette histoire seront reprises dans d’autres nouvelles, par exemple, on assistera à l’éjection du personnage du train, dans une autre nouvelle qui nous présente un long voyage ferroviaire d’une femme pour rendre visite à son mari en prison.
D’autres histoires mettent en scène un lépreux qui se réfugie dans une grotte et laissera une taille monumentale du Christ, dont la destination finale créera une polémique dans le village. Aussi le périple des parents de Cristobal Jara quand ils s’enfuient d’une exploitation dans laquelle ils étaient presque en situation d’esclavage, ou les histoires où apparaît la femme qui travaille dans le cimetière du village. Puis le récit de Cristobal Jara et la mission qui doit exécuter pendant la guerre, avec son camion d’approvisionnement qui doit traverser les lignes ennemies pour fournir un convoi d’aide à une section des soldats isolée en terrain hostile.
Toutes ces histoires sont étranges, violentes et puissantes, très intéressantes, mais le livre est décousu et difficile à lire. Un peu trop chaotique à mon sens, il aurait bénéficié d’une structure plus réfléchie, dans l’état semble un roman un peu improvisé au fur et à mesure, malgré les liens qui se retrouvent d’une histoire à l’autre.
Citation :
« Je ne sais pas. Je ne comprends pas ce qui se dit avec des mots. Je comprends seulement ce que je suis capable de faire. J’ai une mission. Je vais l’accomplir. Cela c’est ce que je comprends. »
0 Comments