(La hija de la española, 2019)
Traduction : Stéphanie Decante. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Caracas, probablement au début des années 2000. Adelaida Falcón vit une existence fusionnelle avec sa mère, aussi appelé Adelaida, qui va être complètement chamboulée par le décès de sa mère. Seule dans Caracas, une ville en proie à des violents conflits reliés au retour au pouvoir de Chávez. Au nom de la révolution, plein des groupes para-gouvernementaux improvisés font la loi dans le quartier. Adelaida est expulsée de son appartement et doit se réfugier dans l’appartement voisin, habité par une dame qu’on appelait la fille de l’espagnole.
Crise identitaire dans un pays en crise identitaire :
La mort de la mère d’Adelaida au début du roman est symbolique. Elle représente la mort du pays lui-même. Pour Adelaida, une fois sa mère n’est plus là, Venezuela est morte, et rien de bon ne l’attend dans ce pays. Le long de ce roman poignant et acéré, Adelaida va devoir se battre pour pouvoir accoucher d’une nouvelle Adelaida.
C’est une histoire de survie parmi les ruines de la civilisation. Tandis que la ville s’effondre et le chaos et la violence l’entourent, Adelaida essayera de trouver des portes de sortie. Les absurdités du nouveau régime sortie de la révolution sont mis à mal ici. Les personnes proches du pouvoir ont plus de droits et beaucoup n’hésitent pas d’utiliser ce pouvoir pour voler les rations des plus démunis et les vendre dans le marché noir pour s’enrichir. Le capitalisme exacerbé au milieu de la révolution anticapitaliste.
L’écrivaine elle-même s’était enfui de ce pays en proie au chaos et, depuis son exile en Europe, elle nous explique l’agonie de ces années Chávez, avec une attention au détail remarquable. Je ne sais pas à quelle point le récit est réel ou une dystopie possible de ce qui aurait pu ou pourrait se passer dans ce pays. Probablement il y a un peu des deux choses, et le roman peut se lire aussi comme un avertissement contre les dérives du pouvoir.
Le livre est dur, très cru et glaçant. Mais le ton est clairement littéraire, le langage est de grande beauté et la richesse lexique est au rendez-vous. Chaque épisode finit avec une sorte d’aphorisme percutant, en toute profondeur littéraire (Voir citation plus bas par exemple). Ces phrases pourraient remplir deux pages de citations brillantes.
Rien ne manque à ce roman, peut-être j’aurais aimé un livre un peu plus long, avec plus de développement de personnages, mais l’objectif du récit ne le permettait pas. Le roman se centre presque exclusivement sur Adelaida et sa quête d’identité après la perte de cette mère qui était tout son univers, et le récit s’accroche en toute simplicité à son parcours de vie.
Attention, le ton est sombre et froid, ici il n’y a pas ni des rires ni des larmes. Très beau premier roman d’une écrivaine à suivre.
Citation :
« Avec la faim, la longue liste des haines et des peurs s’est allongée. Nous nous sommes découverts capables de souhaiter du mal à l’innocent et au bourreau à la fois. Nous étions incapables de les distinguer. »
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