(1950)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman autobiographique :
Martinique, années 30. José, 11 ans, est élevé par sa grand-mère M’man Tine, dans une cabane de fortune de la rue Case-nègres, quartier misérable où habitent les travailleurs des exploitations de canne à sucre des alentours. Le petit José accompagne sa grand-mère au travail dans les champs, insouciant malgré le pénible quotidien. Entre tant sa mère travaille comme servante à Fort-de-France et renvoie de l’argent. Tout changera pour le petit José lorsque la famille pourra enfin se permettre de l’envoyer à l’école pour qu’il essaie de chercher un futur meilleur.
L’école comme à vecteur de réussite :
Roman autobiographique, petit classique de la littérature antillaise, ‘La rue Case-nègres’ retrace les souvenirs d’enfance de son auteur, depuis les jeux et les aventures avec les enfants du quartier, jusqu’à la réalisation progressive du quotidien terrible qui vivent les noirs de son entourage, travailleurs pour compte des maîtres blancs qui les exploitent sans aucun état d’âme. Ce voyage initiatique de l’insouciance à l’engagement sociale est le squelette dramatique du roman.
Le livre s’associe quelque part à la négritude, terme inventé par Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas et d’autres, qui désigne l’ensemble de caractéristiques des peuples noirs qui décrivent leur propre culture et identité, dénoncent la condition du noir dans un monde raciste et injuste, rejettent leur assimilation à une culture ‘blanche’, et au contraire, affirment sa propre valeur et singularité. Face au pouvoir néocolonial toujours présent aux Antilles, qui n’appréciât guère ses écrits, Zobel s’exila en France. En 1950, au moment de la publication de ‘La rue de Case-nègres’ Zobel était professeur de français dans un lycée à Fontainebleau.
Sous la lumière d’un optimisme surprenant et d’un ton nostalgique irrésistible, ce roman d’apprentissage cache une dénonciation sans appel des conditions de vie des noirs aux Antilles, presque un siècle après la fin de l’esclavage, mais toujours soumis à l’exploitation blanche. En fait, dans le livre, la rue Case-nègres occupe l’espace où se situaient jadis les baraques de esclaves, comme pour nous signifier que rien ne change pas vraiment.
Le roman jongle habillement entre souffrances et joies, contrastant la dureté des conditions de vie avec l’espoir permanent d’un destin meilleur. Cette réflexion se fait principalement à travers le touchant personnage de M’man Tina, une femme caractérielle qui radote inlassablement sur le lot de souffrance qui lui a été accordé, mais qui se dévoile petit à petit comme une grand-mère courageuse, dévouée et consacrée au futur de son petit-fils. La tendresse avec laquelle ce personnage est abordé est probablement un des atouts majeurs du roman.
Face aux injustices, Zobel propose l’éducation comme à moteur principale pour la prise en main du futur propre de la population. On comprend l’obsession pour la réussite du jeune José, qui doit travailler d’arrache-pied pour que les sacrifices effectués par sa famille pour lui permettre l’accès à l’école ne soient pas vains, mais en réalité c’est tous les espoirs du peuple noir qui porte sur ses épaules.
‘La rue Case-nègres’ est un très beau, lucide et intelligent roman, même si le ton est quelque peu désuet. Avec une écriture simple et limpide, Zobel fait connaitre le quotidien de la communauté noire dans la Martinique rural de la première moitié du XXe siècle, tout en réfléchissant sur ses perspectives de futur.
Citation :
« Eh bien ! du fait de gens comme vous, chère mademoiselle Adréa, je crois que nous, les nègres, nous sommes plus pitoyables que haïssables, parce que, voyez-vous, je ne crois pas qu’il existe au monde de gens qui renieraient leur race parce qu’une personne de la même couleur d’épiderme qu’eux s’est mal conduite, en quoique ce soit. Je ne crois qu’aucun Blanc, par exemple, ait jamais crié : ‘Je hais ma race’, quand un Blanc a commis un vol ou un meurtre ; fait qui pourtant se renouvelle fort souvent. »
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