(La tía Julia y el escribidor, 1977)
Traduction : Albert Bensoussan. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Le jeune Mario entame une relation amoureuse avec sa tante Julia, de quatorze ans son ainée, ex-femme de son oncle, fraîchement arrivée de la Bolivie. Mario ayant tout juste 18 ans et Julia 32 et divorcée, leur relation se porte en cachette, de peur du scandale qui pourrait éclater dans la famille.
Mario, étudiant de droit, journaliste et écrivain, travaille dans les services informatifs de la radio panaméricaine de Lima. L’arrivée de Pedro Camacho, un écrivain bolivien assez excentrique, va révolutionner cette maison de radio. Le bolivien est très exigeant, directif et hermétique dans son travail, ce qui froisse certains, mais les radio-théâtres qu’il va produire, mettre en scène, et interpréter, auront un succès époustouflant dans tout le pays.
Le récit est entrecoupé avec des courtes histoires très romancés, dramatiques et exagérés, qui correspondraient aux feuilletons qui diffuse Pedro Camacho.
Deux pour le prix d’un : Roman autobiographique plus recueil de nouvelles loufoques :
Ce roman partialement autobiographique décrit les amours du jeune Vargas Llosa avec sa tante Julia Urquidi, premier amour de l’écrivain. Selon Vargas Llosa lui-même, cette partie romantique autobiographique est un collage rajouté à l’histoire du scribouillard et ses radio-théâtres mélodramatiques, avec le but de donner cohérence au récit. Dans l’introduction Vargas Llosa nous dit que « Cette effort servit pour vérifier que le genre romanesque n’est pas né pour raconter des vérités, que celles-ci, en passant à la fiction, deviennent des simples mensonges ».
Les chapitres du livre alternent donc deux récits complètement différents mais qui se rejoignent tangentiellement. D’un côté, on trouve l’histoire des amours entre la tante Julia et ‘Varguitas’ (l’écrivain lui-même), son travail et ses amitiés à la radio et la figure de l’écrivain de radiothéâtres Pedro Camacho. Et d’un autre coté on intercale ce qu’on pourrait presque appeler un recueil de nouvelles, qui n’est autre chose que le résultat du travail de Pedro Camacho comme à créateur de feuilletons pour la radio. La tante Julia et le scribouillard ne rentrent pas vraiment en contacte dans le roman. Le charme de ce livre justement se trouve dans ce double récit, qui peut sembler déroutant et décousu au début mais qui prend tout son sens au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture, pour dévoiler finalement une structure très solide, ficelée avec précision millimétrique.
Car, malgré que le récit principal se centre dans les amours clandestins de Mario ‘Varguitas’ et sa tante Julia, la véritable âme du roman est plutôt le personnage de Pedro Camacho, celui qui donne cohésion à ce récit assez romanesque et polyphonique. Le scribouillard Camacho est un homme énergique mais très étrange, sans demi-mesure, qui n’aime que le oui et le non, détestant toute médiocrité. Il travaille de façon obsessionnelle sur l’écriture de ses radiothéâtres, forts en mélodrame exagéré et souvent truculent, puis il dirige et interprète la version sonore, qui sera diffuse avec un succès colossal. Mais Camacho, assez rigide et fier, ne permet aucune injonction dans son travail, il fait et défait à sa guise, et personne n’a le droit de l’approcher. Tout va se compliquer lorsque les intrigues des feuilletons vont montrer des rebondissements étranges, des changements illogiques, et des soucis dans la continuité des arcs narratifs des personnages. C’est un coup de génie postmoderniste de l’écrivain bolivien ou Camacho est tout simplement en train de perdre sa tête ?
Certains internautes critiquent partialement la traduction d’Albert Bensoussan, mais je ne saurais pas me prononcer car j’ai lu le roman dans sa langue originale, l’espagnol. Avec son style riche et envoutant, sa maîtrise absolue de la langue, et ses personnages et situations hauts en couleurs, ‘La tante Julia et le scribouillard’ est une œuvre originale, drôle, parfois loufoque, mais relativement plus facile d’approcher que d’autres travaux de Vargas Llosa, donc peut-être idéale pour une première lecture de l’œuvre du prix Nobel péruvien.
Citation :
« Il pensa que c’était là une occasion privilégiée pour mettre à l’épreuve cette norme morale qu’il avait faite sienne depuis son jeune âge et selon laquelle il valait mieux comprendre que juger les hommes. »
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