Littérature des 5 continents : AmériqueUruguay

La Trêve

Mario Benedetti

(La Tregua, 1960)
Traduction :   Annie Morvan.   Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Santomé, veuf, tient un journal de sa vie, dans lequel il consigne son jour à jour. Il travaille depuis 25 ans à la même entreprise, ses enfants ne s’en soucient guère de lui, et sa femme, décédée il y a longtemps, a laissé un vide dans sa vie. Il est aux portes de la retraite, mais sa vie grise et rangée va être bouleversé par l’arrivé d’une nouvelle femme au bureau, beaucoup plus jeune que lui.

Nouvelle jeunesse dans la retraite :

Parmi tous les romans/journal intime, celui-là et le ‘Diario de un jubilado’ de l’espagnol Miguel Delibes, font partie de mes favoris. Et ils se semblent beaucoup, le ton est semblable, et les deux arrivent à produire une réflexion profonde qui va plus loin de ce qu’il manifeste le narrateur.

Certains arcs narratifs ne sont pas complètement travaillés, et ils sont résolus d’une façon parfois un peu abrupte. On voit que l’axe du roman est la relation entre Santomé et Avellaneda et l’énorme différence d’âge et de style de vie qui les sépare. Tout le reste semble servir uniquement à compléter le personnage central, et on se demande si l’écrivain aurait mieux fait de garder seulement sa fille, Blanca, personnage intéressant et bien dimensionné et s’en débarrasser des enfants garçons. En effet, Esteban et Jaime sont peu dessinés et le lecteur n’arrive pas à les saisir à travers les mots dans le journal. C’est peut-être intentionnel, car Santomé ne connait pas vraiment ses enfants, mais je trouve dommage que les lecteurs ne puissent combler les informations par des voies indirectes (Comme ils font si bien Kazuo Ishiguro o Miguel Delibes lui-même).

Certains sujets, comme l’émancipation des femmes ou l’homosexualité, apparaissent dans le roman avec un traitement assez rustique et pressé, sans nuances. Est-ce le personnage-narrateur ou l’auteur ? La question peut se poser. Le roman devient plus philosophique et émotionnel après la rencontre entre Santomé et Avellaneda. Leur différence d’âge crée des angoisses chez Santomé, qui perd pie à deux jours de la retraite. Son journal recense les changements qu’il éprouve dans sa façon de penser et de percevoir la vie. Face au tourbillon, il hésite à lâcher prise et se laisser emporter. Il ne peut que nous émouvoir, car la tendresse avec laquelle le nouveau Santomé est traité est évidente.

Très beau roman avec quelques ‘mais’.


Citation :

« Je me sens malheureux, c’est tout. Plus de bureau. À partir de demain jusqu’au jour de ma mort, j’aurai le temps à ma disposition. Après une si longue attente, voici le temps des loisirs. Que vais-je en faire ? »

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