(El general en su laberinto, 1989)
Traduction : Annie Morvan. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Santa Fé de Bogotà, Colombie, Mai 1830. Suite à la pression politique et sociale, le général Simon Bolivar, le ‘Libertador’, présente sa démission comme président de la grande Colombie. Son rêve d’unification de l’Amérique du Sud vient de s’écrouler. Affaibli et malade, accompagné d’un entourage restreint et de son aide de camp José Palacios, l’icône des indépendances prépare son départ vers le port de Carthagène des Indes, d’où il a l’intention de quitter l’Amérique pour s’exiler en Europe. Lors de ce périple le long du fleuve Magdalena, face à la mort et hanté par les fantômes du passé, le général fera le bilan de sa vie et réfléchira sur l’héritage de son œuvre.
Le crépuscule inéluctable du Libertador :
García Márquez trouva l’inspiration pour cet ouvrage dans ‘El ultimo rostro’ roman inachevé de son collègue et ami Álvaro Mutis, qui retraçait les derniers jours du général. Souhaitant approfondir sur le crépuscule de l’icône, Márquez, avec la permission de Mutis, développa ce récit qui mélange des faits historiques avérés avec le côté intime du personnage, beaucoup moins connu. Après un méticuleux travail de documentation de deux ans, la publication du livre généra quelques controverses, car le prix Nobel colombien évoquait sans ambages la dimension le plus humaine du personnage, jusqu’alors complètement écrasée par le poids de la figure historique.
Simon Bolívar participa aux campagnes d’indépendance de presque tous les pays d’Amérique du Sud, alors sur domaine espagnol. Il unifia tout le nord de l’Amérique du Sud dans une fédération de pays : La Grande Colombie, que lui-même dirigea entre 1819 et 1830. Seulement Cuba et Puerto Rico restaient sous la domination espagnole. Suite à plusieurs tensions internes, la grande Colombie éclate et se dissoudra en trois pays : Venezuela, Équateur et Colombie (qui incluait alors le Panama). Le grand rêve d’unification de l’Amérique latine s’écroule complétement. Contesté et hué où jadis était adulé, c’est la fin du rêve pour Bolívar.
Ce voyage le long du fleuve (métaphore présente aussi dans d’autres œuvres de Márquez) représente sans doute passage de la vie à la mort. Le général commence son périple à Santa Fé de Bogota, et s’arrête successivement à Facatativá, Honda, Mompox, Turbaco, Soledad, toujours direction le port de Carthagène des Indes. Constamment sollicité par la complexe situation dans laquelle se trouve la région après sa démission, le Libertador essaie de chercher une issue convenable au fur et à mesure qu’il avance vers l’exil. Mais à chaque étape, inéluctablement, les événements politico-sociaux calamiteux qui s’empilent, et son affaiblissement progressif lui empêcheront de trouver l’apaisement recherché (voir citation). Il n’arrivera jamais à temps pour prendre le bateau de l’exil.
Probablement une œuvre mineure, le roman est quand même très bellement écrit, et témoigne du talent de García Márquez pour la création d’une atmosphère crépusculaire, avec la marque écrasante d’un destin auquel on ne peut plus échapper. ‘Le général dans son labyrinthe’ nous montre de façon touchante l’être humain face à l’abîme de ses propres contradictions.
Citation :
« (…) son pitoyable destin était accompli, et le passage des jours le confirmait jusqu’à l’exaspération. Les pluies devinrent plus fréquentes, et plus désolantes, et la vie se réduit à attendre des nouvelles de nouveaux échecs. »
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