Littérature des 5 continents : AmériqueCuba

Le monde hallucinant

Reinaldo Arenas

(El mundo alucinante, 1969)
Traduction :   Dider Coste.   Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Frère Servando Teresa de Mier était un prêtre dominicain, originaire du Monterrey au Mexique. Le sermon qui prononça en Décembre 1794 devant le vice-roi lui procurera des innombrables ennuis. Quelque part Servando critique le culte de la vierge de Guadeloupe et cela provoque un scandale majeur. Condamné à l’exile en Espagne, il commence pour le père Servando une existence peu ordinaire, son parcours le renvoie d’un côté de l’Europe à l’autre, condamné à alterner des brèves étapes de liberté avec la prison, la misère et la faim, pour finalement revenir en Amérique après toute sorte de vicissitudes.

Délire hallucinatoire de haute voltige :

Sorte de biographie d’un personnage qui exista vraiment, et qui vécut effectivement une existence aventurière entre la prison et l’exile, consignée dans ses nombreux écrits. En s’écartant totalement des versions officielles édulcorés de ce personnage historique, Arenas s’attache à nous montrer le côté moins ordinaire de sa vie, dans un récit d’aventures loufoques franchement décapantes et toujours absolument délirantes.

Un air freudien plane sur toute l’imagination incroyable qui est déversée dans ce livre, probablement rempli de toute sorte de phantasmes du propre écrivain. La corruption des institutions et la sexualité débridée (souvent dans l’église même !) sont deux sujets récurrents dans ce récit qui frôle souvent l’absurde et le surréaliste, annonçant ce réalisme magique qui caractérisa bonne partie de la littérature latino-américaine à partie des années 60. ‘Le monde hallucinant’ porte bien son nom. Il est truffé de séquences dantesques, comme cette mer de sperme dans laquelle des milliers de corps sombrent dans une frénésie copulatoire, ce prêtre qui est au centre d’une fellation multiple par l’ensemble des dames pieuses qui le suivent, ou encore la séquence ou l’Orlando de Virginia Woolf poursuit notre héros avec son membre viril en guise de bélier.

Ce déferlement de folie est sans doute intéressant, mais l’ensemble est incroyablement décousu. Des séquences abracadabrantes s’alternent avec d’autres un peu plus conventionnelles sans vraiment de logique interne au récit. La narration se fait autant à la première que à la deuxième que à la troisième personne, parfois en répétant la même partie de l’action avec nuances différentes selon le narrateur. Madame de Staël, Châteaubriand, Simón Bolívar et d’autres personnages connus font des apparitions dans le roman. Dans ce périple extravagant on passe par l’Espagne, le Portugal, la France, le Royaume Uni, Cuba, les États-Unis, pour revenir au Mexique.

Le régime de Fidel Castro, fit opérer la censure cubaine et demanda que toutes ces séquences érotiques et ces délires sexuelles fussent éliminés du livre. Arenas refusa catégoriquement, car le point principal de son livre était justement la dénonciation de toute forme de contrôle de la pensée, et la critique de l’appareil répressif du régime au pouvoir. Le livre fut finalement publie tout d’abord en Français grâce à des amis de l’écrivain et leurs contacts dans le monde littéraire en France. Arenas par la suite, connut la prison, et la répression s’acharna sur lui. Malheureusement il mourut de Sida en 1990, sans voir son souhait de liberté pour le people cubain s’assouvir.

Probablement un des livres les plus perchés et démentiels que je n’aie jamais lu. C’est touchant et parfois fascinant, mais aussi épuisant. Cela vaut le coup car il y a une valeur historique dans ce livre, mais s’il n’était pas si court je pense que j’aurais abandonné très vite.


Citation :

« Vous ne m’inspirez pas de la crainte. Je suis habitué à vivre dans la pauvreté et sous la menace constante de la mort. La seule chose à laquelle je ne pourrais jamais m’adapter est à vivre parmi la mesquinerie et la tromperie. »

(Traduction improvisée. “No me infunde usted miedo. Estoy acostumbrado a vivir en la pobreza, en la miseria y en el constante peligro de la muerte. A lo único que no podré adaptarme es a vivir entre la mezquindad y el engaño.”)

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