(Los peligros de fumar en la cama, 2009)
Traduction : Anne Plantagenet. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐
Ce que raconte ce recueil de nouvelles :
Recueil des premières nouvelles écrites par l’écrivaine argentine au début de sa carrière. Reliées toujours en quelque sorte à l’horreur ou au fantastique, la présence des éléments surnaturels cohabite avec un quotidien très moderne, souvent marginal et protagonisé par des femmes loin des conventions sociales.
Poe punk :
Cette écrivaine argentine, dont le style tordu et dérangeant impacte par sa façon très assumée de mélanger horreur avec réalisme quotidien, acquit une popularité remarquable dans l’univers littéraire, notamment après la publication de ‘Notre part de nuit’ en 2021. Les nouvelles inclues dans ‘Los peligros de fumar en la cama’ datent de beaucoup plus tôt, mais le publique internationale les découvre plus récemment.
Dans ces nouvelles, un élément fantastique perturbateur fait basculer un quotidien banal souvent marqué par la marginalité, vers un univers plus sombre, étrange et horrifique. Le surnaturel, l’horreur et les cauchemars se donnent rendez-vous au milieu d’une réalité rageusement moderne, brisant souvent pas mal de tabous. Comme s’il s’agissait d’une espèce d’Edgar Allan Poe passé par un filtre punk, le style Enriquez donne à ces nouvelles un aspect contemporain, mais en gardant le côté surnaturel caractéristique des classiques du fantastique, du gothique et de l’épouvante, dans la lignée de Poe.
Des histoires de revenants, d’enterrements, des sorcières, de spiritisme, de fantômes, les nouvelles sont variées mais gardent une unité stylistique remarquable. La plupart se situent en Argentine, d’autres fois dans les bas-fonds de Barcelone, puis après dans un quartier chic de Buenos Aires. Probablement ma favorite soit ‘Le chariot’ dans lequel l’arrivée d’un clochard risque de perturber tout un quartier bourgeois, par la pestilence incontrôlée de sa diarrhée. Le récit s’érige en commentaire social sur la fragilité de la condition sociale. ‘Les petits revenants’ est également intéressant par sa portée sociologique, avec des milliers d’enfants disparus dans les années de la dictature qui reviennent dans le présent pour hanter le souvenir de ceux qui sont restés en vie.
C’est sans doute bien écrit mais l’ensemble est légèrement creux. Souvent malmenées par la société et/ou les hommes, les femmes qui protagonisent ces nouvelles manquent parfois des nuances et de dimension. Les effets narratifs prennent souvent le pas sur la psychologie des personnages. Intéressant mais sans plus, quoique le style marquant de ces récits peut réussir à éveiller la curiosité pour cette autrice argentine très dark, et pousser le lecteur à se pencher sur d’autres œuvres plus connues et saluées.
Citation :
« (…) les Japonais croient qu’après la mort les âmes migrent dans un lieu où le nombre de places est limité, disons. Et quand cette limite est atteinte, quand il n’y a plus de place pour les âmes, elles reviennent dans ce monde. Ce retour annonce la fin du monde, en réalité. »
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