(Mandíbula, 2018)
Traduction : Alba-Marina Escalón. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Guayaquil, Équateur. Un lycée féminin de l’Opus Dei, fréquenté par des filles de classe sociale favorisée. Un jour, une des lycéennes, Fernanda, se réveille dans une cabane dans le bois, ligotée des mains et des pieds, victime d’un enlèvement. La kidnappeuse n’est autre que sa professeure Clara. Elle reste dans la non communication, sans rien expliquer des raisons de cette violence. Le récit revient en arrière pour nous expliquer les difficiles débuts de Clara comme à professeure de lettres du lycée, ses fragilités psychologiques qui la rapprochent constamment de la figure de sa mère décédée, et le traumatisme laissé par le kidnapping dont elle-même avait été victime dans son précèdent établissement. D’un autre côté, on revient aussi sur Fernanda et ses copines du lycée, lorsqu’elles se réunissaient dans une maison abandonnée pour se lancer de défis étranges et pratiquer des jeux tordus et mystérieux.
Histoire malsaine dans un lycée huppé :
Il n’y a pas de doute le nouvel boom latinoaméricain s’écrit au féminin. Comme Guadalupe Nettel (Méxique), Claudia Piñeiro (Argentine), Karina Sainz Borgo (Venezuela), ou Gioconda Belli (Nicaragua), l’équatorienne Monica Ojeda rejoint cet ensemble des femmes qui sont en train de façonner la culture littéraire du début du XXIe siècle dans le sous-continent, dans un univers littéraire jusqu’à récemment fortement dominé par des figures masculines (Vargas Llosa, García Márquez…), et qui maintenant commence à montrer plus de nuances et diversité, avec des personnages féminins marquants, et que souvent penche du côté cru, tortueux et horrifique. C’est le cas de ‘Mandibula’ de Monica Ojeda, un livre provocateur qu’on pourrait ranger dans la lignée de Mariana Enriquez (Argentine), avec laquelle elle partage la même ambition de montrer les recoins le plus obscurs de l’âme humaine.
Parce que ‘Mâchoires’ c’est glauque, pas forcément dans ce qu’il montre, mais plutôt dans la violence psychologique que s’en dégage. C’est glaçant, presque tous les personnages sont dérangés et tordus. Ils sont tous hantés par quelque chose de perturbant, de terrifiant, qui contraste avec l’ambiance puritaine qui veut s’imposer dans ce lycée de l’Opus Dei. Plus lisses doivent être les apparences, plus malsain sera l’intérieur des personnages. Globalement c’est une étude perturbant d’une jeunesse égarée, en quête perpétuelle des barrières morales à franchir.
Ojeda nous offre un récit complexe, très axé sur l’horreur psychologique, structuré intelligemment par des sauts permanents dans la timeline, qui permettent de combler les parts manquants du mystère, doser les rebondissements, et déployer lentement toute la complexité des personnages. Mais quelque part l’ensemble pêche un peu par un excès dans la provocation et par un manque clair de direction. Autre le côté sombre de l’être humain, amplement décortiqué dans le livre, de quoi veut nous parler vraiment Ojeda ? On doit prendre ce roman comme littérature de genre, et pas trop demander au-delà de l’horreur lui-même ? Le lecteur trouvera peut-être le roman intéressant dans son style glaçant, et dans le travail créatif de réinterprétation des codes de l’horreur et du gothique, mais il peut aussi ressentir un manque de sujet qui empêche le roman d’aller au-delà des prérogatives de son genre.
Intéressant mais seulement partiellement réussi. Écrivaine à suivre quand-même, notamment si elle arrive à travailler avec un peu plus de subtilité et de direction claire.
Citation :
« Le secteur de l’éducation (…) était le dépotoir de la médiocrité surestimée : Tous se croyaient essentiels e indescriptiblement valables, mais presque personne ne l’est en réalité »
0 Comments