Littérature des 5 continents : AmériqueBrésil

Mémoires posthumes de Brás Cubas

Machado de Assis

(Memórias póstumas de Brás Cubas, 1880)
Traduction :   René Chadebec de Lavalade.   Langue d’origine : Portugais (Brésilien)
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Rio de Janeiro, fin du XIXe siècle. Brás Cubas, un homme aisé appartenant à l’élite carioca, nous livre ses “mémoires posthumes” en commençant par sa mort à 64 ans d’une pneumonie. Puis c’est ça naissance, ses années d’études en Europe, son retour au Brésil, sa carrière politique et les rencontres marquantes avec les femmes de sa vie, notamment sa relation avec Virgilia.

Le mort nous explique sa vie :

Récit détonnant et d’une modernité époustouflante, Brás Cubas s’adresse à nous depuis la tombe avec l’aisance et le calme atteints dans son nouvel état. Partialement non-linéaire, assez fragmenté, rempli d’ellipses et des dialogues avec le lecteur, ce roman est imbu d’une ironie jubilatoire.

Notre narrateur réfléchira sur la futilité de sa vie, depuis la perspective de la mort, avec un regard sarcastique sur la bienséance de la société brésilienne de l’époque. Homme passionnée mais plutôt pourri-gâté par le milieu aisé dans lequel il a été élevé, Brás Cubas aura cimenté sa réussite sociale sur des attitudes peu convenables. Esclavage (encore présent dans la société brésilienne de l’époque), adultère, corruption, notre narrateur est probablement un homme comme beaucoup d’autres de son temps, en quête permanente de la gloire et la satisfaction égoïste. Rempli d’orgueil de lui-même pendant sa vie, mais plutôt embarrassé après sa mort, il n’est visiblement pas trop fier de ce qu’il a accompli, et le cynisme qui teint progressivement le roman nous accentue sa déception. Brás Cubas regrette, avec le recul qui donne la mort, la vacuité de son existence.

Malgré tout cela, « Mémoires posthumes de Brás Cubas » n’est pas du tout un roman sombre. C’est plutôt drôle et frais, le sens de l’humour et la dérision sont très sophistiqués, signe d’un écrivain de génie. Les personnages sont fins, les portraits des femmes sont magnifiques, avec les mœurs de la bourgeoisie brésilienne à la fin du XIXe siècle toujours en toile de fond.

Machado de Assis recherchait des nouvelles voies d’introduire un coté plus réaliste dans la littérature brésilienne, entre l’objectivité factuel de Flaubert et le naturalisme ultra-détaillé de Zola, plutôt dans la lignée du portugais Eça de Queiroz, mais sans renoncer à un coté fantastique et vivant. Selon ses propres mots :

« Dirigeons le regard vers la réalité, mais excluons le réalisme, afin de ne pas sacrifier la vérité esthétique »

« Mémoires posthumes de Brás Cubas », œuvre de maturité de Machado de Assis, marqua incontestablement la littérature brésilienne et préfigure le roman moderne du XXe siècle. À ma connaissance, un des premiers romans sud-américains à développer ce qui s’appellera postérieurement le stream of consciousness (Narration en première personne sous forme de monologue intérieur qui suit le fluxe chaotique de la pensée), popularisé par Woolf, Faulkner et une bonne partie des écrivains du boom latino-américain. Ici, notre narrateur nous déploie tous ses états d‘âme au moment de l’écriture de ses mémoires. Dans les citations ci-dessous, vous trouverez un florilège (sans spoiler) de ses plus drôles inquiétudes métalinguistiques (le narrateur se décrit en train de narrer).


Citations :

« Je commence à regretter d’avoir entrepris ce livre. »

 

« …le livre est ennuyeux, il sent le tombeau. »

 

« Peut-être supprimerai-je le chapitre précédent. »

 

« Le manque d’à-propos m’a encore fait perdre un chapitre. N’aurait-il pas mieux valu dire les choses tout uniment, sans tous ses heurts ? »

 

« Non. Décidément je supprime ce chapitre. »

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Anaconda

Anaconda

L’arrivée d’un groupe de scientifiques qui ont le projet d’enlever le venin des serpents de la région pour en faire des antidotes, met en émoi la communauté des ophidiens. La vipère Croisée sera faite prisonnière lors d’une attaque échouée contre leur chien. Le congrès de serpents venimeux se réunit pour trouver un consensus pour affronter le problème, et même le grand anaconda y est invité.

read more
Petites Infamies

Petites Infamies

Le chef italo-espagnol Nestor Chaffino consigne tous ses secrets de cuisine dans un petit cahier titré ‘Petites infamies’, que tout le monde croit rempli de détails croustillants des nombreuses personnalités mondaines qu’il a croisé. Lors d’une soirée chez les richissimes Teldi, la porte de la chambre froide se renferme sur Nestor. Prisonnier dedans lorsque tout le monde dort, personne n’entend ses cris.

read more
Après l’orage

Après l’orage

Sous un soleil de plomb, le Révérend Pearson et sa fille Leni traversent le nord de l’Argentine dans une mission d’évangélisation, quand leur voiture tombe en panne. Par hasard ils trouvent un garage perdu dans ce coin paumé, où Le Gringo Brauer, à l’aide de son jeune protégé Tapioca s’attachent à réparer la voiture. Cela prend plus de temps que prévu et, tandis que l’orage s’approche, les quatre personnages restent coincés dans cet endroit isolé au milieu de nulle part.

read more
Dire Babylone

Dire Babylone

Née en 1984 dans une famille jamaïcaine pauvre et rastafari, Safiya Sinclair est la première de quatre enfants. Howard, le père, compose et chante pour les touristes, qu’il déteste pour leur mode de vie sans moral. Il impose un strict credo rastafari dans la maisonnée, selon lequel les femmes, considérées impures, doivent se soumettre à ses dictats, et limiter tout contact avec le monde des blancs et leur entourage, ce qu’on appelle Babylone.

read more