(Nove Noites, 2002)
Traduction : Geneviève Leibrich. Langue d’origine : Portugais (Brésilien)
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Amazonie, été 1939. Buell Quain, un jeune anthropologue nord-américain se suicide au milieu de la jungle, quand il était en train de revenir vers la civilisation, après un séjour chez les indiens Kraho. Les circonstances de cet évènement sont entourées de mystère : Quain aurait reçu une lettre et aurait écrit huit autres, juste avant de mettre fin à ses jours.
62 années plus tard, l’auteur du livre (peut-être Carvalho lui-même ?) prend connaissance de cette histoire qui fait tilter quelque chose dans sa mémoire. Obsédé par comprendre les clés de cet évènement étrange, il commencera une enquête, recoupant les informations des survivants, et étudiant les lettres qui sont accessibles, ainsi comme des photos et des archives. Le mystère autour de Quain s’épaissit dans la mesure que chaque piste mène à des nouvelles contradictions et impasses, aussi difficiles à décrypter que les propres obsessions de l’enquêteur.
Casse-tête Amazonien :
C’est un étrange livre, récipiendaire de plusieurs prix, doté d’une narration alambiquée et envoutante, qui est cependant très solide. L’élucidation du mystère est un premier niveau de lecture qui donne une structure simple au récit, mais le roman se ramifie dans des dimensions psychologiques complexes, mélangeant plusieurs temps narratifs et réfléchissant sur la prise de conscience de soi-même et l’altérité. Un peu d’effort est demandé au lecteur, mais le livre présente un rythme assez soutenu qui permet une lecture aisée malgré la densité du récit.
Car le livre est un vrai casse-tête narratif, exhibant une quantité innombrable de mises en abyme, dans lesquelles certains personnages expliquent une histoire sur un autre personnage qui à son tour est en train de raconter une histoire, encore avec d’autres personnages. Dans la partie du livre en cursive, une personne qui a connu Quain, semble aussi intéressé par le mystère de sa mort, et son témoignage trouve un écho soixante ans plus tard quand le nouvel enquêteur se penche sur l’affaire. Cette complexité et jeu de tiroirs permanent pourraient composer un livre difficile à suivre, mais certains codes narratifs bien établis dès le départ, facilitent sa lecture malgré la multiplicité de récits dans le récit.
‘Neuf nuits’ présente un côté autobiographique très marqué. L’auteur (selon mes souvenirs, jamais nommé dans le livre) sans doute n’est autre que Carvalho lui-même, et récupère des éléments de son passé avec son père dans la forêt Amazonienne, qui vont se refléter dans le récit de Quain dans le passé. Quain et la plupart de personnages présents dans le livre, ont existé vraiment, le suicide a bien eu lieu, et le mystère qui entoure sa mort reste intacte. L’enquête narrée dans le livre fait miroir à la vraie investigation portée par Carvalho lui-même.
Sans spoiler, le livre propose une clôture de cette enquête, qui peut être satisfaisante par rapport à l’intrigue, mais le charme de ce roman inclassable réside ailleurs. Dans une atmosphère d’étrangeté, un homme semble se contempler toujours depuis son extérieur sans jamais pouvoir pénétrer à l’intérieur de son propre soi pour parvenir à se comprendre. Navigant très habilement entre deux eaux, ‘Neuf nuits’ n’est ni un roman de mystère conventionnel à l’intrigue banale, ni un roman perché rempli de psychanalyse barbante ni philosophie inaccessible, mais plutôt un roman très personnel, original et abouti.
Citation :
« Ce qui je vous relate est un mélange entre ce qu’il m’a raconté et ce que j’ai imaginé. Je vous laisse donc aussi imaginer ce que je ne pourrais jamais vous dire ou vous écrire »
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