(Quién no, 2018)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce recueil de nouvelles :
Recueil de nouvelles et très brèves nouvelles (parfois seulement deux ou trois pages) écrites depuis le début de la carrière littéraire de l’écrivaine. Les histoires tournent autour de secrets de famille, les relations de couple et d’amitié, et en général les convenances et rapports sociales, mais toujours depuis la perspective de ce qu’on cache et ce qu’on ne dit pas. Au centre de tous ces récits on trouve un quotidien marqué par les non-dits, les secrets, les peurs, les mensonges et en général toute forme de non communication.
Silences, mensonges et non-dits :
Malheureusement pas disponible en français au moment d’écrire ce billet, ‘Quién no’ (que peut se traduire vaguement par « Qui ne l’est pas ») est un fabuleux ensemble de nouvelles qui témoigne du talent de l’écrivaine de ‘Elena et le roi détrôné’. Cela se lit avec une aisance déconcertante, on rentre très facilement dans ces histoires en à peine deux paragraphes, et malgré des intrigues pas forcement riches en action, on sera portés par une narration très dynamique. On arrive au dénouement toujours presque par surprise. Les récits se font très courts et difficiles de prédire, on veut toujours plus. C’est vraiment prenant.
Dans ces nouvelles Piñeiro s’attache à nos montrer la face cachée derrière la surface lisse des personnages. Tout ce qu’ils ne montrent pas, tous ces non-dits et ces secrets que le lecteur va découvrir grâce à la narration à la première personne. La perspicacité psychologique de ces histoires est absolument remarquable, et on n’aura aucun mal à empathiser et s’identifier avec ces personnages apparemment stables, mais qui sont en réalité au bout de leur vie. Dans une bonne partie des nouvelles le protagoniste, souvent une femme mais pas exclusivement, sera porté vers un point de non-retour, ce moment où il pourrait basculer et briser ce quotidien lisse qui semble l’emprisonner. Mais aura notre personnage le cran qu’il faut pour le faire ?
Parfois, notamment vers le milieu du recueil, les récits sont vraiment trop courts (deux ou trois pages) et c’est dommage car on aime comment l’autrice décortique la psyché des personnages jusqu’à ses profondeurs les plus inavouables. Suivis dans un quotidien qui peut être parfois banale, les personnages prouvent une fois et une autre que, malgré qu’on essaie toujours de montrer notre meilleur visage à la société, dedans on est tous des êtres complexes et étranges.
Le recueil, véritable traité de psychologie, inclut seize nouvelles, et forcement certaines seront plus du goût du lecteur que d’autres. Il y en a certaines qu’on dirait inspirées d’Edgar Allan Poe, par son côté glauque, sombre et tordu, tandis que d’autres restent dans un quotidien plus que banale. Malgré ce grand écart entre la violence et le calme, l’ensemble garde une grande cohérence stylistique, le niveau est quand même assez régulier et à mon sens il n’y a aucune nouvelle qui détonne. Ma favorite est peut-être ‘Claro y contundente ‘ (‘Clair et ferme’), dans laquelle on décrit la journée d’une femme qui se prépare pour un rendez-vous à l’école où son enfant a des difficultés d’intégration. La femme s’imagine de façon récurrente saisir un pistolet et tuer la première personne qui passe devant elle.
Le livre est dédié « à ceux qui sont capables de se mettre à la place des autres, qu’ils soient bizarres ou pas » (« A los que pueden ponerse en el lugar de los otros, raros o no »)
Citation :
“—Son gente rara, ¿no te parece?
—Qué sé yo —le contesta él— ¿Quién no es un poco raro?”« —Ils sont bizarres ces gens, tu ne trouves pas ?
—Qu’est-ce que j’en sais ? —lui répond-il— Qui ne l’est pas un peu ? » (Traduction improvisée)
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