(The Mermaid of Black Conch, 2020)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Inspiré par ‘La fable de la sirène et les ivrognes’ de Pablo Neruda, ce roman au réalisme magique marqué, entretient des liens assez notoires avec le film ‘La forme de l’eau’ (2017) de Guillermo del Toro, où une histoire d’amour entre espèces, une jeune muette et une créature aquatique, créait aussi l’émoi, faisant ressortir autant le meilleur comme le pire de l’être humain. La quantité d’éléments communs de ces deux œuvres est tellement large qu’il y a des chances que ce film ait influencé l’autrice d’une façon ou d’une autre : Le kidnapping en vue à une libération dans la mer, la musique comme à lien entre les espèces, le personnage muet qui entame communication avec la créature, la météo déchainée, et même une bonne partie de la narration en huis-clos autour d’une baignoire. Tous ces sujets font partie des éléments clé autant du film comme du roman.
C’est une thématique très similaire donc, celle qu’on trouve au centre de ‘The mermaid of Black Conch’, avec cet amour interdit qui scandalise, et qui génère une forme non dissimulée de jalousie. Ici la créature aquatique est une femme indigène à la peu rouge dont l’origine mythologique fera partie de l’intrigue et du mystère de l’histoire.
Le récit mélange une narration principale à la troisième personne avec deux contributions à la première personne. Aycayia, la sirène, avec son langage rudimentaire et simple, raconte ses émotions d’une façon confuse, mais directe et poétique. À travers ses mots, il transperce une solitude vieille de siècles qui lui apporte de la tristesse mais aussi de la sécurité. En parallèle on intercale aussi le journal de David Baptiste, écrit quelques décades après les faits. Avec amertume et lucidité, le pêcheur nous raconte ce qui fut le grand amour de sa vie.
L’intimité entre les deux personnages principaux est traitée avec pudeur mais aussi avec passion. Ce touchant couple protagoniste, bien contrasté et détaillé, est accompagné d’un ensemble de personnages secondaires très intéressants et bien dessinés, comme Miss Ryan, femme quarantenaire qui possède la moitié du village mis s’en fout complètement de l’argent, se concentrant sur son fils muet et sur l’attente du père de l’enfant, parti dix années auparavant. Même Priscilla, qu’on peut qualifier de la méchante du roman, sera un personnage relativement nuancé dont la mesquinerie sera expliquée par son côté sauvage et son insatisfaction permanente.
L’amour et la passion sont confrontés à la jalousie et les commérages, le tout dans l’ambiance de post-colonialisme de l’île caribéenne, avec en arrière fond le racisme, le sexisme et les préjugés en général. Avec un style très élégant, Roffey navigue avec aisance la narration et évite avec brio tous les pièges qu’une histoire avec tellement d’éléments magique-surréels pourrait mener (pathos, excès, mièvrerie, naïveté). Sobriété et finesse, tout en émotion. Belle réussite, écrivaine à suivre.
Au moment d’écrire cette chronique (2022), aucune traduction française de ce titre n’est connue.
Citation :
« (…) les seuls mensonges pour lesquels nous sommes punis sont ceux que nous nous racontons à nous-mêmes »
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