Littérature des 5 continents : AmériqueSalvador

Un jour comme tant d’autres

Manlio Argueta

(Un día en la vida, 1980)
Traduction :   Maria-Poumier.   Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Chalatenango, El Salvador, années 70s. Guadeloupe ‘Lupe’ Guardado, une femme de moyenne âge, décrit sa journée dans une sorte de cahier de bord dans lequel se mélangent ses réflexions sur des évènements passés avec les actions de la journée. Dans un climat de conflit social qui débouchera dans la guerre civile Salvadorienne, Lupe, encore perturbée par la récente mort de son fils Justino, essayera de maintenir sain et sauve le reste de sa famille, notamment son mari José et sa petite fille Adolfina, qui sont impliqués dans la naissante rébellion.

La lutte contre les injustices à El Salvador :

Le récit en première personne de Lupe, retrace de façon minutée les évènements de la journée, mais agrémentés de ses sensations, ses souvenirs et son ressenti par rapport à son mari, sa petite fille, son fils assassiné, son entourage en générale et au conflit naissant. Ce récit sera accompagné par quelques chapitres en cursive, qui décrivent aussi en première personne les points de vue des autres personnages impliqués dans l’histoire. Ce côté polyphonique débouche de façon magistrale dans la séquence où la police attend l’arrivée de Adolfina chez sa grand-mère Lupe, expliqué selon la perspective de chacun des protagonistes.

Le roman se centre sur la vie des paysans sous l’oppression des puissants, et les injustices quotidiennes qu’ils subissent. Ils sont exploités par les riches propriétaires et vivent dans des conditions misérables, avec la connivence de la police et l’église. Le mari de Lupe, sa petite fille Adolfine, son beau-fils Helio, son fils assassiné Justino et d’autres font partie de ce mouvement de protestation qui va réclamer des conditions de vie dignes pour les travailleurs. Les personnages sont très marqués et intéressantes, avec des fortes personnalités de femmes.

Les évènements historiques d’El Salvador sont immiscés dans l’intrigue du roman de façon très simple et habile : Le changement de position de l’église, la formation des coopératives et fédérations de paysans, les débuts des guérillas, la montée des groupes paramilitaires de support au pouvoir en place, et l’écrasement de toute tentative de proteste ou rébellion. La pénibilité des vies des travailleurs de la terre, unie à l’éloignement des élites des problèmes du peuple, feront que ce conflit débauche, juste après la publication du roman, dans la guerre civile (1980).

Le livre fut banni à El Salvador par la Organización Democrática Nacionalista, le bras paramilitaire du gouvernement. La critique acerbe des autorités au pouvoir, les violations répétés des droits humains et la corruption des institutions (incluse l’église) représentés clairement dans le livre, furent trop pour le pouvoir en place, et Argueta fut contraint de partir en exile au Costa Rica pour plus de 20 ans.

Manlio Argueta est membre fondateur du groupe littéraire Generación comprometida, avec d’autres écrivains comme Roque Dalton, qui avaient le souhait d’écrire sur les conflits sociaux de leur pays. À vocation fortement réaliste, ce roman prend parti par le peuple, dénonce l’oppression et témoigne des difficultés de la vie au Salvador des années 70s.

Si vous devez lire un seul roman d’El Salvador, celui-ci serait idéale. Pas seulement par le témoignage de la vie des paysans pré révolution et guerre civile, mais aussi par sa merveilleuse qualité littéraire, qui justifie largement sa lecture dans toutes les écoles du pays. Avec une technique narrative osée et créative dans la lignée de García Márquez, plusieurs temps se mélangent pour petit à petit converger, prendre du sens et donner du poids au récit. ‘Un jour comme tant d’autres’ est une belle et merveilleuse découverte.


Citations :

« Uno siempre anda con la misma ropa, La de reir y llorar » (« L’on marche toujours avec les mêmes habilles, ceux de rire et de pleurer ». Traduction improvisée)

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