(Un viejo que leía novelas de amor, 1992)
Traduction : François Maspero. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
El Idilio, petit village amazonienne au bord du fleuve. Antonio José Bolivar est un vieil homme qui a vécu avec les shuars (les indigènes de la région) et connait bien la forêt. Il vit de la chasse et habite un cabanon en lisière du village, un peu à l’écart des autres hommes. Plongé dans les souvenirs de sa femme emportée quelques années plutôt par la malaria, le vieux passe ses journées à lire les romans d’amour, portés par le dentiste qui s’y rend périodiquement au village.
Un jour, le cadavre d’un homme blanc assassiné est trouvé sur une pirogue. Le maire de la ville, appelé ‘la limace’, accuse les indiens, mais le vieil Antonio José Bolivar trouve que la blessure fait plutôt penser à l’attaque d’un félin. Visiblement il y aurait une femelle jaguar qui rode dans les parages et qui cherche vengeance pour ses petits, tués pour leur peau par de chasseurs clandestins.
Fable écologique :
Avec plus d’un million d’exemplaires vendus en France dans les premiers vingt ans après sa sortie, le livre est un fabuleux succès en librairie. Je n’en suis pas sûr de saisir quelle est la raison de cet engouement et cette unanimité autour de ce livre, mais ce succès me faisait craindre pour un roman qui mélangeait histoire d’amour surfaite avec métaphore écologique simpliste. Or, rien de cela, le livre est plutôt subtile et sobre, et il n’y a pas d’histoire d’amour, sauf peut-être la déclaration d’amour de Sepúlveda à la vie pure et sauvage dans la forêt amazonienne, véritable protagoniste du roman.
Même s’il y a un message écologiste, le roman n’appuie pas dessus et se centre un peu plus sur le contraste entre Antonio José Bolivar et les deux mondes qui l’entourent. Antonio José est un homme pur et noble, un solitaire sentimental qui a appris à vivre en harmonie avec la forêt au gré des saisons du fleuve. Il abhorre tout ce qui est l’homme blanc, sa cupidité et son calcul, sa tendance à se positionner en conquérant, et son manque de respect pour la nature indomptable de la région. Mais il ne peut pas non plus s’intégrer au monde des indiens, malgré que leurs valeurs et système de vie lui sont beaucoup plus proches. Pour départager Antonio José entre ces deux mondes, le long du roman s’installe une espèce de duel silencieux et subtile entre le vieux et le félin qui rode dans la région. On ne souhaitera pas un destin funeste pour aucun de ces deux créatures pures et nobles, mais ce combat a un sens métaphorique clair.
‘Un vieux qui lisait des romans d’amour’ mélange un ton sérieux et sombre avec des épisodes beaucoup plus comiques, comme ceux de ‘la limace’, le maire de la ville, un homme obèse et corrompu qui transpire tout le temps, les décryptages inattendus que le vieil homme fait des romans d’amour qu’il a appris à lire, ou l’hilarante visite du dentiste Rubincondo Loachamin au village. Sepúlveda ne perd jamais le regard cynique posé sur l’homme blanc et l’absurde de sa présence dans ce territoire pur et sauvage. Même le nom de ce village délabré, El Idilio, qui se traduit en français par ‘L’Idylle’, nous renvoie à ce contraste ironique.
Sepúlveda mit dans ce livre son expérience avec les indiens Shuars en Équateur, lors de son exil forcé par ses idées politiques contre le régime de Pinochet. Lors d’un orage en pleine forêt, Sepúlveda se serait réfugié dans la hutte d’un vieil homme blanc qui habitait dans la lisière de la forêt. Cette rencontre fut le germe de ‘Un vieux qui lisait des romans d’amour’.
Citations :
« Nul ne peut s’emparer de la foudre dans le ciel, et nul ne peut s’approprier le bonheur de l’autre au moment de l’abandon. »
« Il prit la direction d’El Idilio, de sa cabane, de ses romans qui parlaient d’amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des Hommes. »
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