(In the shadow of the banyan, 2013)
Traduction : Elsa Maggion. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Phnom Penh, Cambodge, 1975. Raami vit une existence confortable et bourgeoise avec ses parents, sa grand-mère et sa sœur, conformant une famille stable et aimante. Son père est poète et appartient à la famille royale élargie. Raami marche avec un atèle dû à des séquelles de la polio qu’elle avait souffert quelques années auparavant. Leur quotidien privilégié va être totalement bouleversé par le triomphe de la révolution communiste et l’arrivée des khmers rouges au pouvoir. Tous les habitants de la ville seront forcés, sous la menace des armes, de quitter les lieux, et s’exiler dans la campagne. Notre famille sera renvoyée de ferme en ferme, et les anciens citadins seront obligés à travailler dans des conditions de vie effroyables dans des exploitations agricoles, sous la menace permanente du nouveau régime de la terreur.
Enfance sous la terreur :
‘A l’ombre des arbres millénaires’ retrace, sous une forme romancée mais extrêmement réaliste et bien documentée, l’enfance de Raami, personnage qui représente sans aucune doute la propre écrivaine. Le ton est donc résolument autobiographique. C’est un livre touchant et très solide, écrit avec sensibilité et pudeur, mais sans ménager à aucun moment la vive réalité de l’horreur. Le style est simple mais élégant et la voix reste précise et évocatrice.
Selon les mots de la propre écrivaine dans l’épilogue qui va clore le roman, elle ne pouvait pas écrire ses mémoires telles quelles parce que ses souvenirs étaient trop épars, étant une petite fille aux moments des faits. Elle explique qu’elle opta pour la forme du roman, même si l’on peut clairement déduire que sur les grosses lignes on suit l’histoire réelle de son calvaire lors du régime des Khmers rouges. Puis dans le même épilogue, Vaddey Ratner donne plus d’information sur sa vie et sur le contexte historique globale du récit.
Le dictateur Pol Pot n’est jamais mentionné dans le livre, et les soldats de l’armée rouge sont dépouillés de toute personnalité ou trait de caractère. Le point de vue est totalement cédé aux victimes, et plus concrètement à l’enfant protagoniste. À travers le filtre de son âge et de son imagination, elle interprètera tout ce qui lui arrive. Le roman se centre sur les effets du conflit sur les gens du quotidien, dépourvus d’information sur ce qui arrive dans le reste du pays, et qui subissent l’indicible dans un univers terrifiant sans logique ni loi.
La fin de la guerre civile de Cambodge en 1975 est marquée par la victoire de la révolution communiste des Khmers rouges, et mènera au début du régime de la terreur. Les villes seront envahies par l’armée révolutionnaire du parti communiste de Kampuchéa. Les malades seront contraints de quitter les hôpitaux, les intellectuels et les riches seront suspectés et toute propriété privée confisquée. Ceux qui savent lire seront boudés, torturés, beaucoup d’intellectuels seront exécutés. Les lunettes seront cassées, les livres brulés ou jetés, et l’art interdit. Les membres des familles seront séparés et renvoyés sans ménagements dans les villages pour un programme de rééducation agricole. La nouvelle Kampuchéa devait naître de ce rêve utopique de réforme agraire qui prône le bien commun et la redistribution des richesses. En réalité la reforme périclita par un amateurisme et un manque d’organisation totale, qui laissa les champs sans aucune richesse à partager, et condamna tout le pays à une longue et terrible famine.
L’effroyable dictature de Pol Pot se déroula le long de quatre ans, avec un bilan jamais complètement vérifié mais qui au minima serait d’un million sept-cent mille morts : On parle de l’extermination d’au moins un 20 per cent de la population du Cambodge en quatre ans. C’est un des plus sanguinaires génocides jamais perpétrés par l’être humain. La guerre avec le Vietnam (paradoxalement une guerre entre deux états communistes), se solda par l’invasion des forces vietnamiennes, marquant la fin du régime de la terreur de Pol Pot en 1979.
Le thème de la résilience et de la survie est central dans le livre, avec Raami apprenant à vivre et aller de l’avant face à toutes les adversités. Puis, dans un deuxième temps, le livre traite le sentiment de culpabilité. Suite à plusieurs situations imprévues, la petite Raami sera tourmentée par les remords. Cela va se rajouter au traumatisme provoqué par l’horreur de leur quotidien sous ce régime abject et inhumain. C’est dur et cru, mais aussi beau et touchant.
Citation :
« The problem with being seven is that you’re aware of so much and yet you understand so little. » (« Le problème d’avoir sept ans est que tu es conscient de tellement, et pourtant tu comprends si peu. » Traduction improvisée.)
0 Comments