Littérature des 5 continents : AsieLiban

Beyrouth-Sur-Seine

Sabyl Ghoussoub

(2020)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce récit autobiographique :

L’écrivain Sabyl Ghoussoub est en pleine quête d’identité, tiraillé entre ses origines libanaises et sa vie à Paris, ville où il est né. Il décide de se pencher sur la vie de ses parents, un couple de libanais qui débarque à Paris en Septembre 1975, avec l’intention de passer seulement deux ans. Son père doit finir des études sur le théâtre et la langue Arabe à la Sorbonne. Mais l’éclatement de la guerre au Liban va changer la donne et les parents de Sabyl ne rentreront plus jamais à son pays d’origine. Ce récit autobiographique retrace la vie de sa famille depuis cet exile involontaire, à travers plusieurs décennies de l’histoire mouvementé du Liban.

Une impression bancale d’avoir grandi ailleurs tout en ayant grandi ici :

Les propos de l’écrivain en rapport à ce livre sont un peu déconcertants. Dès le premier chapitre, Ghoussoub se propose d’écrire sur ses parents, mais par timidité ou par besoin d’oublier, le portrait du couple reste assez opaque. Ghoussoub nous explique que « Ils ne sont jamais d’accord sur la date, le lieu, l’événement, à croire que la réalité est toujours la fiction qu’on se raconte ». En réalité ces deux personnages touchants et sensibles, resteront assez peu définis et souvent en retrait. Malgré la tendresse et les égards que l’auteur prend pour parler d’eux, ou précisément pour cette approche pudique, le couple de géniteurs restera dans un brouillard littéraire.

Dans un deuxième temps on pourrait croire que Ghoussoub voudrait retracer les évènements marquants de l’histoire du Liban, enchevêtrés avec le récit de sa famille, sauf que chaque fois qu’il faut évoquer cette guerre, il finit par dire en quelque sorte, qu’il n’en a qu’à faire, et que cela ne lui intéresse autant que ça. Souvent rédigera un paragraphe explicatif, une digression savante, ou fera une liste d’attentats perpétrés au Liban ou en France, mais tous ces moments resteront factuels et plutôt froids, même si les sujets sont incroyablement complexes et traumatisants. Pas sûr que ce livre éveille l’intérêt du lecteur pour se pencher davantage sur l’histoire récente du Liban.

Donc, en relation avec ces deux thèmes (ses parents et le Liban), l’intérêt du livre semble mitigé, on dirait qu’il veut parler de certains sujets mais il n’arrive jamais à vraiment approfondir là-dessus. Mais les vraies intentions de l’écrivain ne vont pas échapper au lecteur. À travers ce double thème l’écrivain veut en réalité nous parler de lui-même et de sa quête d’identité inassouvie et perpétuelle. Incapable de se sentir chez soi ni en France ni au Liban, l’écrivain essaie de comprendre les raisons de ce déracinement intime. À travers des phrases comme « Je suis né à Beyrouth dans une rue à Paris », l’auteur illustre avec humour et tendresse la déroute provoquée par ce dépaysement forcé. C’est sans doute la partie la plus réussie du livre, et le débat sur le sentiment d’appartenance fait cible.

Malgré quelques excès sur le côté métafiction (l’écrivain se regarde un peu trop écrire à mon goût), le livre est intéressant et se lit très aisément. On apprend énormément de choses sur la culture libanaise. La réflexion qui propose sur l’exil est développée avec finesse et sensibilité mais de façon générale, ce récit peut laisser un sentiment de pas complétement abouti, car il ne touche pas toutes les cases qu’il semblait vouloir toucher au début. Du coup, même si beau, il n’est pas complètement à l’auteur de la promesse initiale.

Prix Goncourt des lycéens 2022.


Citations :

« Mes références viennent d’ailleurs et beaucoup du monde arabe, pourtant j’ai grandi en France. J’ai alors l’impression bancale d’avoir grandi ailleurs tout en ayant grandi ici. »

 

« La vie de mes parents c’est comme la guerre du Liban : Plus je m’y plonge, moins je comprends quelque chose. (…) Trop de dates, d’événements, de trous, de silences, de contradictions. Je me demande si cela m’intéresse vraiment d’y comprendre quelque chose. Finalement, à quoi bon ? »

 

« Mes parents voulaient que je naisse à Beyrouth. (…) Ils ne voulaient pas que je naisse à Paris, alors pendant toute leur vie ils ont recréé sans s’en apercevoir Beyrouth à la maison. Je suis né à Beyrouth dans une rue de Paris. »

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