(Вундеркинд Ержан, 2015)
Traduction : Héloïse Esquié. Langue d’origine : Russe
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Notre narrateur anonyme est sur un train qui effectué un long voyage de plusieurs jours sur les steppes Kazakhes. Lors d’un arrêt dans une petite gare au milieu de nulle part, un garçon monte à bord pour vendre des boulettes de lait caillé, et se met à jouer le violon d’une façon virtuose. Notre narrateur l’invite dans sa cabine, où le jeune enfant, qui s’appelle Yerzhan, va expliquer son histoire. On découvre alors que le jeune enfant n’est pas si jeune, en réalité il a 27 ans, car un bon jour il a arrêté de grandir.
Désillusion des rêves sur décor de steppes Kazakhes :
Roman quelque peu étrange, mais narré avec beaucoup de sensibilité, ‘Dans les eaux du lac interdit’ raconte l’histoire de Yershan, sa vie dans une des deux familles qui habitent dans les deux maisons dans une vieille gare perdue au milieu de nulle part, dans une ligne de train qui traverse le Kazakhstan. La proximité de la « zone », une région utilisée par les autorités soviétiques pour faire des essais nucléaires, marquera Yershan et sa famille.
En effet, dans la deuxième moitié du XXe siècle les soviets firent exploser une quantité innombrable d’engins nucléaires, dans la zone nucléaire de Semipalantisk. Les personnes qui habitaient près de cet endroit reculé du Kazakhstan, entendaient à chaque fois des grondements et tremblements de terre provenant de cette zone interdite, accompagnés des puissantes explosions qui éclairaient le ciel. Leurs vies étaient perturbées par cette proximité aux essais nucléaires.
Lors des analepses vers le passé, on apprend l’enfance du garçon. Notre petit protagoniste, à 12 ans, se promettait un avenir merveilleux, très doué pour les études et avec un talent incroyable pour le violon, s’imaginait marié et heureux avec Aisulu, la fille qui habite dans la maisonnette voisine. Mais lorsque pendant un de ses cours de violon il s’approche trop de la zone interdite, un lac turquoise aux reflets métallisés qui semble être sorti du néant, attire son attention. Les conséquences de ces expériences nucléaires vont faire basculer la vie de garçon, puis des secrets de famille vont finir pour conduire le jeune Yershan à la frustration des rêves d’enfance.
Le passage entre l’imaginaire et le réel est un des clés du livre. Yershan se voit en protagoniste des légendes racontées par sa grand-mère : Le garçon essayera d’expliquer l’étrange réalité qui l’entoure, en la filtrant à travers du creuset de son univers rêvé et fantastique. La présence de cette zone interdite restera un mystère et ne sera jamais vraiment mise au centre du récit. En tout cas, c’est un roman très critique avec le nucléaire, mais qui au fond traite le sujet de la déception et la chute des illusions.
C’est un récit poétique et touchant, très bien écrit, d’un ton mélancolique et d’un humanisme profond, mais un peu trop court pour la richesse de thèmes et personnages, et par moments assez confus et chaotique, Par exemple : Après les analepses vers le passé de Yershan, le retour au présent dans le train se fait d’un paragraphe à un autre sans aucun préavis, si ce n’est qu’un retour à la narration à la première personne. Avec une structure un peu plus solide et un développement dramatique un peu plus long et détaillé ce roman aurait été beaucoup plus que remarquable.
Les positions de Ismaïlov par rapport au régime Ouzbek, lui menèrent à un procès qui le conduisit à l’exil et à l’interdiction de ses livres dans tout le pays.
Citation :
« Les voies de la steppe, fussent-elle ferrées, sont longues et monotones, et la seule manière d’écourter un périple, c’est la conversation. La façon dont Yerzhan me narrait sa vie ressemblait à notre itinéraire : on n’y discernait ni virage ni retour en arrière. Son histoire, ponctuée par le craquement régulier des jantes, se poursuivait inlassablement, tout comme les fils électriques aperçus à travers la vitre couraient de poteau en poteau. »
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