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Djinn City

Saad Z. Hossain

(Djinn City, 2017)
Traduction : Jean-François le Ruyet. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Malgré la déchéance alcoolisée dans laquelle il a sombré ces derniers temps, le Dr Kaikobad est en réalité un éminent scientifique, et émissaire des Djinns dans son temps libre. Son fils, Indelbed découvrira le passe-temps caché de son père après que celui-ci tombe dans un étrange coma. Au même temps il décèle l’énigme de l’origine de sa mère, qu’il n’a jamais vraiment connu. Après le passage mystérieux d’un autre émissaire des Djinns, la trace d’Indelbed se perd. Du coup, sa tante Juny et le fils de celle-ci, Rais, commencent à enquêter sur la disparition de ce cousin fade et timide dont ils connaissent en réalité très peu.

Farce chez les Djinns :

‘Djinn city’ est un livre curieux et bien sympa, porté par une imagination absolument débordante, qui se lit assez facilement malgré ses plus de 400 pages (500 dans la version française), mais pêche un petit peu du manque d’un sujet un peu plus profond, et d’un peu plus de travail sur les personnages. J’hésite à revendiquer le genre de réalisme magique pour ce livre car le côté littérature de jeunesse est un peu trop appuyé, dans le sens que la narration est largement basée sur le plot driven : L’intrigue est le moteur de l’action et les rebondissements (il y a des dizaines) sont imposés aux personnages sans qu’il y ait une vraie réflexion. On aurait vraiment souhaité un travail un peu plus character driven pour ce livre, avec une intrigue qui se déroule à partir des personnages et pas imposée à eux. Le matériel était tout fait pour, avec une bonne vingtaine des personnages assez marqués, chacun avec sa personnalité, ses ambitions et ses petites faiblesses.

Mais malgré ces petits hics, le livre se dévore, notamment par son rythme soutenu et son storytelling fabuleux. L’univers flamboyant concocté par Saad Z. Hossain est original, solide et bien réfléchi, et fait cible même chez des lecteurs qui ne seront pas particulièrement intéressés aux mondes fantastiques. Car ici, toutes ces extravagances rocambolesques deviennent métaphore de l’être humain, ses misères et ses faiblesses. Les personnages ne sont jamais ni bons ni méchants, ils sont toujours pleins de nuances et facettes.

Génétique, politique, écologie, histoire, les sujets et thématiques sont très divers, et il y a aussi un foisonnement constant des situations abracadabrantes. Champs de force magiques, portails vers un autre temps et dimension, gros engins volants, découvertes génétiques ahurissantes, cités mythiques disparues, prisons mentales, larves de dragon… Oui, c’est très loufoque, mais malgré toute cette bizarrerie, le roman s’encre fondamentalement dans un univers réel, peuplé par des humains mais aussi par des djinns. C’est ce mélange entre un quotidien assez réel et l’univers absolument fantastique décrit par l’auteur, ce qui fait tout le charme de ce roman unique.

A la façon des dieux de la mythologie grecque, les djinns, créatures fantastiques de la mythologie arabe, sont réinterprètes dans ‘Djinn city’ comme des êtres égotistes, capricieux et plus humains que les humains. Ils sont hauts en couleur, colériques et très enclins aux emportements. Même si le drame n’est jamais pas loin, tout ce terrain est fertile pour la farce, le satyre, et un humour au cynisme désopilant. L’univers de ces Djinns est régi par des étranges codes sociaux et par des obscures bureaucraties, visiblement d’importance capitale. La politique chez les Djinns est aussi très riche et amusante, avec des divisions marquées, surtout par les prises de position par rapport à l’origine des Djnns.

Les Djinns sont souvent arrogants et la plupart d’eux trouvent, dans une espèce de racisme décomplexé, que les humains sont des êtres inférieurs et pathétiques. Mais l’expansion des humains ces derniers siècles inquiète les Djinns. Ils cohabitent secrètement parmi nous depuis des milliers d’années, mais le cycle vital de leur présence sur terre semble créer un débat complexe au sein de la communauté Djinn. Tandis que leur futur est en jeu, quelques pauvres humains essaient de trouver un sens à tout cet univers aussi secret qu’étrange et grotesque.

Attention, la fin (que je ne spoilerai pas) ne va pas clore la narration, ‘Djinn city’ serait le premier volume d’une série de romans. Ce dénouement abrupt peut être vu comme un petit bémol même si l’auteur continue avec ses bizarreries dans des futures extensions de cet univers si particulier. Un autre roman de Houssain nommé ‘Cyber Mage’ est placé dans le même univers, mais ce n’est pas sûr qu’il propose une vraie clôture des évènements de ‘Djinn city’.


Citation :

« Nous errons tous, perdus sur une même voie, sans caractère divin ni destin particulier, sinon ce que nous faisons de nous-mêmes, notre seule noblesse, celle que l’on affiche. Pauvres créatures à la dérive, des fantômes, en vérité, attendant qu’un vent cosmique nous efface de l’échiquier. »

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