(妻妾成群, 1990)
Traduction : Annie Au Yeung et Françoise Lemoine. Langue d’origine : Chinois
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Années 20, nord de la Chine. Suite à la ruine de sa famille, Songlian doit arrêter ses études à dix-neuf ans. Face au dilemme entre trouver un travail pénible ou chercher un mari, Songlian, habituée à une vie bourgeoise, choisit la deuxième option. C’est ainsi qu’elle devient la quatrième épouse de Chen Zuoqian, un riche entrepreneur. Comme à nouvelle concubine du maître de la maison, une vie confortable dans le désœuvrement s’ouvre devant elle. Sauf que le calme dans la maison existe seulement en apparence, car l’arrivée de la nouvelle concubine a créé l’émoi chez les autres trois épouses. Un complexe jeu de jalousie, séduction et corruption démarre. Prise au piège dans ce sordide univers d’intrigues féminines, Songlian peinera pour garder son équilibre.
Huis-clos avec quatre femmes enfermées dans une cage dorée :
Avec un seul décor et un nombre relativement restreint de personnages, Su Tong arrive à communiquer la violence latente dans ces rapports entre femmes et concubines, affrontées à cause du patriarcat dans la Chine féodale des années 20. Cloitrées dans les épais murs de la maison elles ne trouvent aucune issue, et vivent totalement soumises à la volonté masculine. La cage est dorée mais c’est une prison quand même. La séduction du maître est la seule source d’un maigre pouvoir pour ces femmes, du coup elles n’hésiteront pas à attirer les faveurs de l’homme de la maison par tous les moyens possibles. Le roman se teint progressivement de méfiance, puis la méfiance devient jalousie et la jalousie devient haine.
Fort de son prestige de femme d’études, de sa jeunesse, de sa beauté, et de son caractère indépendant et moderne, Songlian entame sa nouvelle vie avec résignation mais sens pratique. Au débout capricieuse et sure de son emprise sur le maître, Songlian verra son pouvoir et son prestige vaciller, victime des combines des autres femmes. Elle réalisera que sans un enfant vite, elle n’est rien (voir ses propres paroles dans la citation plus bas). Plus elle rejette la situation hiérarchique qu’elle occupe en tant que femme dans la maison, plus elle va froisser tout le monde : Le service, les autres épouses, son mari. Songlian s’approche dangereusement de l’abîme.
Yuru, Zhuoyun, Meishan et la jeune Songlian, les quatre épouses de Chen Zuoqian, ont de caractères complètement différents et chacune essayera de composer avec cette situation de soumission dans lesquelles elles se trouvent en tant que femmes. Chaque femme incarne une méthode différente d’affronter leur destin.
Au-delà de la belle écriture et les qualités évidentes de ce roman, ‘Épouses et Concubines’ acquit une notoriété mondiale grâce au film que réalisa Zhang Yimou en 1991. Une adaptation relativement fidèle, il s’agit probablement du grand chef d’œuvre de son réalisateur et un des films le plus intéressantes jamais tournés en Chine. Du coup si vous avez adoré le film, il y a des chances que vous soyez un peu déçus du roman, car il est plus conventionnel, moins dans la suggestion. Le film utilisait les rituels de la maisonnée (la lanterne rouge, les massages) et les échanges de regards entre les femmes pour suggérer toutes les émotions enterrées dans cet huis-clos de haut voltige, sans besoin de s’appuyer trop sur les dialogues. Zhang Yimou choisit de présenter le personnage du maître de la maison dans des plans très larges ou de dos, et cédait tout le protagonisme aux rôles féminins. Les couleurs et la beauté plastique des images du film sublimaient le drame de Songlian, incarnée de façon inoubliable par la jeune Gong Li.
Citation :
« … je n’arrive pas à comprendre ce que c’est une femme, en quoi elle compte. Elle ressemble au chien, au chat, au poisson rouge, à la souris … Elle ressemble à tout sauf à un être humain ! »
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