(君たちはどう生きるかKimi-tachi wa Dō Ikiru ka, 1937)
Traduction : Patrick Honnoré. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Japon, années 30. Junichi, appelé Coper, est un jeune adolescent plein d’interrogations existentielles sur la vie, la société et le comportement des êtres humains entre eux. Au fil de son quotidien et de ses relations avec ses pairs aux lycée, Coper découvre, émerveillé, l’empathie, le respect, le lien qui relie les êtres humains, et ce qui veut dire être un homme de bien. À chaque étape d’apprentissage de la vie, Coper sera toujours soutenu par son oncle, qui l’aidera à pousser sa réflexion sur tous ces détails de son quotidien.
Manuel d’éthique à l’usage des êtres humains :
Plutôt qu’un roman, ‘Et vous, comment vivrez-vous ?’ est un traité d’éthique dédié à préparer les jeunes adolescents à devenir des adultes sensibles, empathiques et respectueux. Coper devra, à l’aide de son oncle, se construire en tant qu’être humain, trouvant sa propre identité tout en respectant les autres.
Yoshino publia ce livre en 1937 lorsque le Japon était engagé dans un lourd conflit avec la Chine et le monde se décantait dangereusement vers l’abîme de la deuxième guerre. Le temps au Japon n’était pas au pacifisme et à l’entente prônés dans le roman, alors Yoshino fut accusé de critiquer le gouvernement et le livre fut interdit. Mais ‘Et vous, comment vivrez-vous ?’ réussit à faire son chemin, plusieurs rééditions en suivirent, et maintenant le roman est devenu un classique incontournable au Japon. Vu de notre époque c’est difficile de comprendre la controverse, car le roman évite tout commentaire sur le gouvernement ou l’atmosphère belliciste du Japon de l’époque, et il n’incite à aucune pensée révolutionnaire, si ce n’est qu’essayer de faire réfléchir les jeunes à devenir des meilleures personnes. C’était peut-être déjà trop pour l’époque.
Il n’y a pas d’intrigue proprement dite, chaque chapitre suit une anecdote ou un fait relié à Coper en lien avec ses pairs. Une nouvelle amitié qui nait, un collègue de classe qui se fait harceler, un regret par une situation où il n’a pas su agir comme il fallait… Des simples histoires du quotidien d’un adolescent au lycée avec ses amis. La structure de ce roman est très simple : Chaque chapitre se construit à partir d’une petite aventure ou anecdote, puis le protagoniste est face à l’hésitation ou au dilemme moral, et cela lui mène à la réflexion avec l’aide de son oncle. Le chapitre conclut par un fragment du cahier de l’oncle, qui synthétise et donne des clés pour comprendre les enjeux de l’histoire et tirer les leçons morales nécessaires. Attention, un chapitre atypique dédié à chanter les louanges de Napoléon peut faire grincer les dents au lecteur, même s’il y a un essai timide de nuancer la figure du conquérant.
L’étiquette de ‘roman philosophique’ a été souvent attachée à ce roman, mais n’ayez pas peur, la réalité est que cette œuvre n’est pas si perchée que cela en a l’air, mais plutôt assez simple. C’est beau et bon enfant même si un peu désuet. Les dilemmes moraux sont peut-être un peu trop expliqués et le roman passe de la suggestion à la leçon morale trop facilement. Les réflexions de l’oncle sont très souvent trop doctes, et son ton professoral devient un peu poussif par moments. Ce besoin de trop expliquer les choses peut se justifier par un souhait d’attendre le jeune public. Malgré cela, le roman est touchant et dégage un humanisme formidable. Belle lecture.
Le maître de l’animation japonaise Hayao Miyazaki s’en est inspiré pour réaliser son dernier film. ‘Kimi-tachi wa Dō Ikiru ka’, même titre donc que le roman, est sorti au Japon l’été 2023. Un succès commercial remarquable qui a dépassé toutes les recettes des précédents films Ghibli. Sorti en France avec le titre ‘L’enfant et le héron’, le film, même s’il est stupéfiant de beauté, n’a pas grand-chose à voir avec le roman. Les images nous renvoient plus à l’univers étrange et fantastique d’autres films de Miyazaki, que à l’ambiance intimiste bon enfant du roman.
Citations :
« Cependant, Junichi, même des décisions ou des actes que l’on regrette ne sont pas entièrement négatifs. Ils sont irréparables, certes, mais les regrets qu’ils nous donnent nous font voir des aspects importants de la condition humaine et nous ouvrent le cœur. Et ils nous obligent à vivre avec plus de profondeur et de lucidité. C’est comme ça que l’être humain grandit. »
« Rien n’est plus douloureux que d’avoir fait ce que, moralement, nous ne devions pas faire. »
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