(How we disappeared, 2019)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Singapour, années 2000. Wang Di est une vieille dame qui doit faire face à la vie sans son mari, décédé récemment après 50 ans de mariage. Pendant qu’elle essaie de trouver des réponses aux énigmes de jeunesse de son mari et comprendre le drame qu’il avait vécu lors de l’invasion japonaise de Singapour en 1942, pendant la deuxième guerre mondiale, elle se voit projetée dans son propre passé et son propre drame, quand elle était emprisonnée avec d’autres femmes dans un camp de concentration japonais.
En parallèle, aussi dans le présent, un jeune garçon appelé Kevin, fait aussi le deuil de sa grand-mère récemment décédée, dont les derniers mots hantent le jeune garçon. Kevin cherche parmi les affaires de sa grand-mère, pour essayer de résoudre le mystère de son père, né pendant l’invasion. Son enquête petit à petit va converger avec celle de la vieille dame Wang Di.
Deuils et traumatismes :
‘How we disappeared’ (‘Ainsi nous sommes disparues’), à ce jour sans traduction française, est un magnifique roman, qui évolue doucement dans sa première partie, pour gagner en dynamisme et émotion à fur et à mesure que les mystères commencent à se résoudre et les histoires s’emboîtent. Le roman a deux sujets complémentaires : Le deuil et le traumatisme : Comment faire le deuil d’un être cher quand son existence est une énigme ? Et puis, est-ce qu’on peut faire face au plus terrible des traumatismes, seule, et sans parler à personne ?
Malgré certains moments de confusion, la structure de roman est très solide. Trois narrations s’enchainent, changeant à chaque chapitre : Kevin dans le présent, Wang Di dans le présent, et puis Wang Di dans le passé pendant l’invasion japonaise. La partie Kevin est narré à la première personne, ce qui accentue la sensation de découverte pendant l’enquête du garçon, tandis que les deux parties dédiées à Wang Di sont narrées à la troisième personne, ce qui permet de garder intacte les mystères. Le point de départ sera, dans les deux narrations, le décès d’un proche : Pour Wang Di son mari, pour Kevin sa grand-mère. Le récit fera constamment les liens entre l’enquête de Wang Di (sur le passé de son mari) et celle de Kevin (sur le passé de sa grand-mère). Deux décès, deux enquêtes, deux secrets. Cette dualité sera résolue à la fin du livre, no spoiler, de façon relativement surprenante.
Au cœur du récit et du passé de Wang Di, on trouve l’horreur de l’invasion japonaise de Singapour pendant la deuxième guerre, et les camps de concentration de ce qu’on appelle femmes de confort, des très jeunes femmes prisonnières de guerre, condamnées à la prostitution forcée au service des soldats de l’armée japonaise, violées chaque jour des dizaines des fois, mal nourries, mal soignées, à peine vivantes dans un quotidien abject, dégradant et inénarrable. Attention lecteurs sensibles, le livre ne ménage pas les aspects le plus crus de cette partie de la narration. La seule consolation sera l’alternance des parties dans le présent, qui permettront au lecteur de respirer un peu après le drame.
Émouvant témoignage d’un lieu, d’une époque, et de la terrible réduction de la femme au rang de moins qu’humain pendant la deuxième guerre, ‘How we disappeared’ évoque déjà dans son titre cette terrible disparition de l’humain, cet effacement de la femme en tant que personne. Le livre envoie un message clairement féministe, nuancé par la présence de personnages masculins bienveillants. Cependant tous les hommes japonais qui apparaissent dans le livre sont peu avenants, souvent directement affreux, aucune rédemption semble possible de ce côté-là.
C’est très dramatique, mais aussi surprenant qu’il puisse paraître, la narration réussit à éviter les pièges du pathos facile, et finit pour envoyer un message humaniste et lumineux, grâce à la façon d’aborder la résilience et la capacité à surmonter les plus terribles épreuves. Magnifique et émouvant.
Citation :
“The same thing happened to the other girls, their colour and skin and flesh withering away into pale shadows, until they were little more than a collection of cuts and bones and bruises, badly healed. This, I thought, this is how we’re going to disappear.”
(« La même chose arriva aux autres filles, leur couleur, leur peau et leur chair dépérissaient dans des ombres pâles, jusqu’à qu’elles n’étaient pas plus qu’un ensemble mal soigné de coupures, des os et des bleus. C’est ainsi, je pensai, c’est ainsi que nous allons disparaître. » Traduction improvisée)
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