Littérature des 5 continents : AsiePalestine

J’ai vu Ramallah

Mourid al-Barghouti

(Titre original manquant, 1997)
Traduction :   Maha Billacois, Zeinab Zaza.   Langue d’origine : Arabe
⭐⭐

Ce que raconte ce récit autobiographique :

Les accords d’Oslo signés en 1993 permirent à beaucoup des Palestiniens de revenir chez eux, après un exil forcé de plus de trente ans. C’est ainsi que Mourid Barghouti entreprend la route du retour vers Deir Ghassaneh, le village où il avait grandi, traversant un pays qu’il peine à reconnaître. Au fil de retrouvailles et des rencontres, les souvenirs d’une vie marqué par le déracinement font surface.

Retour dans un pays qui n’existe presque plus :

Comme beaucoup d’histoires d’exil forcé, l’histoire du retour du poète Mourid Barghouti et sa famille est l’histoire d’une blessure impossible de fermer. Écrit à la première personne, le poète palestinien nous livre un récit dur et touchant, assez factuel, qui retrace ce retour dans la Cisjordanie des années 90, et constate la disparition progressive d’un mode de vie après des années d’occupation. Comme ne pouvait pas être autrement le récit est très critique avec Israël et sa politique de colonisation, mais reste mesuré et sobre, sans jamais tomber dans le côté revanchard ou l’énervement. Un ton plutôt amer teint les réflexions de l’auteur et le manque d’espoir dans le processus de paix semble évidente au fur et à mesure des pages. Malheureusement le temps semble lui avoir donné raison.

Les évènements historiques marquants de la deuxième moitié du XXe siècle s’immiscent dans l’histoire personnelle du poète et sa famille. Ce récit autobiographique n’a pas vraiment de vocation didactique donc c’est intéressant de connaitre un minimum de l’histoire : Le plan de partage du territoire palestinien en 1947, la création de l’état d’Israël, la guerre arabo-juive qui suivit le départ des anglais, l’exode palestinien connu comme Nakba. Plus tard, en 1967, la défaite du côté arabe dans la guerre des 6 jours, qui sépara définitivement la Jordanie des territoires palestiniens, accéléra les plans d’occupation d’Israël, et bloqua toute voie de retour aux jeunes citoyens palestiniens qui se trouvaient à l’étranger. Cet exil forcé dura 30 ans jusqu’à que les accords d’Oslo de 1993 permirent le retour de ces personnes, maintenant beaucoup plus âgées, qui retournaient dans un pays sans état, très différent du pays duquel ils étaient partis.

Sans doute l’idée est d’insuffler le récit du réalisme sans prendre parti mais, à mon sens, le récit s’attarde beaucoup à décrire des situations qui n’apportent pas forcement une réflexion profonde sur le déracinement, la perte des repères et le conflit d’identité, malgré qu’on soit en plein dedans. C’est quand même émouvant et très beau à niveau écriture et des superbes tournures de phrase montrent le talent de l’auteur pour le poétique. Mais, mis à part, l’expression d’une juste tristesse conséquence de ce drame incompréhensible, littérairement parlant, le récit ne va pas assez loin.


Citations :

« Ai-je dépeint aux étrangers une image idéalisée de la Palestine parce que je l’avais perdu ? » (Traduction improvisée)

 

« Chaque Palestinien se trouve donc aujourd’hui dans la position peu commune de savoir que la Palestine a existé et, pourtant, de voir cette terre porter un nouveau nom, un autre peuple, une nouvelle identité qui la nie complètement. »

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