(ノルウェイの森, Noruwei no mori, 1987)
Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Une chanson des Beatles, ‘Norwegian Wood’, ramène Watanabe à ses souvenirs dans les années 60. Nostalgie. Le protagoniste va replonger dans ses premières années universitaires et son amour pour Naoko, hantée comme lui par le suicide de leur ami Kizuki. Puis sa rencontre avec Midori, dont la démarche vitale est opposée à celle de Naoko.
Angoisse-moi s’il te plaît :
Ce roman fit exploser la popularité de son auteur au Japon et cimenta son prestige à l’international. Avec un style baigné de nostalgie, lyrisme et poésie, Murakami nous transporte à notre propre jeunesse d’une façon implacable et ultra-détaillé. Les moindres pensés des personnages sont décortiqués le long de pages et pages de dialogues qui, à première lecture, peuvent être perçus parfois comme banales. Après les premières 100 pages de ce roman j’avais une sensation de ne pas avoir ma place de lecteur. Tout était tellement expliqué et exposé, que je n’arrivais pas à me trouver impliqué, car rien n’y manquait. Mais le talent de Murakami se dévoile plutôt dans le longtemps du récit.
Presque sans qu’on arrive à le ressentir, l’auteur tisse tout un groupe d’humains, dont les relations et interactions deviennent terrain de grand réflexion et suggestion. On découvre les parties cachées de ces personnages, ses angoisses, ses peurs, tout ce qui ne disent pas, et tout ce qu’ils disent mais sans vraiment arriver à se comprendre. C’est là où le lecteur va trouver son bonheur. Les relations entre les personnages sont ultra-analysées sans pour autant éliminer toute une partie subjacente de grand pouvoir évocateur pour le lecteur. Même les relations sexuelles vont être assez détaillées pour qu’on puisse comprendre à quel point ces personnages arrivent ou pas à se trouver.
Les personnages, extraordinairement bien développés, sont tous aliénés, en quête d’eux-mêmes, un peu à la marge de ce qu’on dirait ‘normaux’, sans pour autant être en aucun cas extravagants. Le rejet de la norme sans vraie rébellion. Notre narrateur, Watanabe, dont l’indolence est souvent une carapace pour éviter l’ouverture aux autres. La timide et intravertie Naoko, le premier amour de Watanabe, fragilisée par la mort de son premier amour, Kizuki. Naoko va devoir combattre ses démons pour essayer de revenir à soi. Et aussi la vitale et décomplexée Midori, personnalité opposée à Naoko, dont son amour pour Watanabe se présente comme un salut, une sortie. Tous sont hantés par leurs passés, l’idée d’un destin funeste toujours planant discrètement dans leurs essais désespérés de s’accrocher à une vie normale en société.
Une petite merveille de grande subtilité. À déplorer seulement le titre choisi dans la traduction française, qui semble complètement à côté de la plaque. Même si j’avoue que le titre de la chanson des beatles ‘Norwegian wood’ n’est pas non plus un titre fabuleux.
Citation :
« Je suis un être fini, vous savez. La personne qui est devant vous n’est que le pâle reflet de ce qu’elle était autrefois. Ce qu’il y avait de plus précieux en moi est mort depuis bien longtemps et je continue à vivre uniquement sur le modèle de ce souvenir »
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