(Kagi, 鍵, 1956)
Traduction : Gaston Renondeau. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Un homme de 56 ans, un peu sur le déclin physique, épreuve de plus en plus de problèmes pour parvenir à satisfaire l’insatiable désir sexuel de sa femme. Chacun va écrire un journal personnel en cachette, tout en souhaitant que l’autre le lise, où ils vont consigner leurs souhaits intimes, leurs frustrations et tout ce qui pourrait aiguiser leur vie sexuelle.
Je sais que tu lis mon journal mais je fais semblant de ne pas le savoir :
Tout ce roman est écrit avec cette double formule de journal intime, en alternant de l’un à l’autre, chacun rebondissant avec une vision différente sur ce qui était consigné dans le récit de l’autre. Tout faire pour éviter de se parler directement, les non-dits et la dissimulation sont à l’ordre du jour. Dans ce perpétuel combat entre le chat et la souris qui s’établit entre les deux journaux, le couple semble progresser dans un épanouissement sexuel de plus en plus pervers, mais jusqu’à quand ?
Un troisième personnage, le jeune Kimura, pressenti pour marier la fille du couple, va se mêler dans l’intimité du ménage en provoquant du désir et de la jalousie, mais en dernière instance, encore plus d’excitation. Ce jeu dangereux va faire monter les enjeux chaque fois un peu plus, franchir une limite de plus et après une autre, jusqu’à la dépravation. Les doubles narrateurs deviennent de moins en moins fiables, à fur et à mesure que chacun intrigue de son coté à l’insu de l’autre.
Ils ont des personnalités opposées, autant à niveau caractère que dans la façon où ils abordent son journal, et cela ne fait qu’enrichir ce roman unique. Le mari semble plus stable, plus aimant de la femme et désireux de la combler, mais n’hésitera pas à franchir certains interdits. La femme est double et manipulatrice, plus sournoise et plus froide, mais au même temps, beaucoup plus exacerbée dans sa sexualité.
Structure simple pour ce roman aux teints érotiques bien marqués, mais qui est en réalité un traité de la non communication conjugal. Travail d’une grande efficacité car, malgré qu’on lise des récits à la première personne, on n’est jamais trop sûr de la véracité de ce qu’y est consigné. À déplorer, justement un petit trop d’explications, peut-être inutiles, vers le dénouement.
Citations :
« Peut-être n’était-ce pas vrai, un simple fantasme de ma part, mais je voulais y croire coûte que coûte. Penser que ce corps féminin, enveloppé dans cette magnifique peau immaculée, se laissait manipuler par moi comme un cadavre mais qu’en réalité, bien vivant, il avait une pleine conscience de tout ce qui se passait, me procurait un plaisir indescriptible. »
« Je me trouvais au comble de la douleur physique et de la jouissance, et j’étais étonnée que mon mari puisse dégager une telle impression de vigueur et de puissance, jusqu’à ce que je comprenne que ce n’était pas mon mari, mais M. Kimura qui était sur moi. Était-il resté chez nous pour me soigner ? Où était passé mon mari ? Pouvais-je me permettre un acte aussi contraire à la morale ? »
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