(羊をめぐる冒険 Hitsuji o meguru bōken, 1982)
Traduction : Patrick De Vos. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Récemment sorti d’un divorce, à peine trente ans, gérant avec un ami d’une boîte de publicité, la vie de notre narrateur est plutôt banale. Après une rencontre professionnelle, il se lance à la conquête d’une jeune femme dont les oreilles lui fascinent complètement, et qui semble avoir la capacité de prévoir certains évènements. Un jour, le narrateur apprend qu’un obscur et sombre personnage s’intéresse à un des journaux gérés par leur boîte, où apparaît une simple photo d’un groupe de moutons dans un près au pied des montagnes. Ce personnage est le secrétaire d’une puissante organisation secrète commandé par un maître mystérieux, il demande au narrateur des informations sur la photo, et il souligne la présence dans la même d’un mouton particulier avec une étoile dans le dos. Notre narrateur, accompagné de sa nouvelle copine, part à la recherche de ce mouton étrange, véritable clé de voute d’un monde hors de la réalité quotidienne.
Quête de soi au nord du Japon :
Pas besoin de lire le résumé de l’intrigue, ce récit étrange est une lecture hors du commun qui, comme c’est souvent le cas chez Murakami, va vous fasciner complétement ou vous ennuyer mortellement, selon si vous adhérez ou pas à l’univers particulier de l’auteur japonais. Avec ses éléments oniriques et symboliques, ses personnages complétement détachés et ses intrigues étranges et minimalistes, ‘La chasse au mouton sauvage’ est un classique du style Murakami.
Le roman a relativement peu de personnages, des décors et d’éléments, et cependant l’évolution narrative est très riche et reste assez imprédictible. À la lecture on a la sensation que le récit pourrait prendre n’importe quelle direction, tout en restant complétement solide et cohérent. Bien entendu la recherche du mouton a une portée métaphorique, on est en réalité devant une quête de soi, mais tout cela reste très suggéré chez Murakami, et très peu d’explications concrètes nous seront fournies. Ce fort côté symbolique peut dérouter les lecteurs qui préfèrent les univers plus connus et contrôlés, mais l’ensemble se tient, même avec toutes ces extravagances et ce réalisme magique à la japonaise.
Leur différente façon d’aborder l’émotion placerai Murakami aux antipodes de García Márquez, froid et ciselé le japonais, vivant et spontanée le colombien ; mais les deux écrivains partagent un traitement similaire de l’intervention de l’étrange dans le quotidien, qui se produit sans entrainer surprise ou étonnement. Le fantastique est regardé avec le même détachement que la réalité.
Moins long que d’autres livres peut-être plus réputés de l’auteur, ‘La course au mouton sauvage’ reste une bonne porte d’entrée vers le univers singulier de cet écrivain inclassable. Le livre peut se lire indépendamment même s’il est le troisième d’une tétralogie autour des mêmes protagonistes. Murakami a un peu renié des deux premiers volumes, ‘Écoute le chant du vent’ (1979) et ‘Flipper, 1973’ (1980), qui avaient un ton plus réaliste. On retrouvera cependant le même ton étrange et fantastique et les personnages de ‘La course au mouton sauvage’ dans le quatrième volume ‘Danse, danse, danse’ (1998).
Citation :
« Je ne parviens pas à me faire à cette idée que le moment présent est vraiment présent. Ou que moi, je suis vraiment moi. Qu’ici c’est vraiment ici. C’est toujours comme ça. Comme si quelque chose ne tombait pas juste. »
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