(迷園, 1991)
Traduction : André Lévy. Langue d’origine : Chinois
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Situé, au centre-ville de Taipei, un énorme et centenaire jardin privé entoure la maison des Zhu, une famille aisée d’origine japonaise. Rose, l’héritière, vit dans cette demeure, qui avait été le dernier refuge de son père, à sa sortie de prison, il y a beaucoup d’années. Maintenant c’est les années 90, la démocratie s’est immiscée dans la société et une croissance folle ouvre la porte à un futur plein de possibilités. Rose tombera amoureuse de Lin, un jeune et puissant entrepreneur qui a fait fortune dans l’immobilier. La jeune femme lâche prise devant le pouvoir séducteur de l’homme, et découvre un nouvel épanouissement sexuel jamais connu auparavant, mais leur relation est très confuse, dans cet univers où tout est sujet au changement.
50 nuances de Rose :
Régulièrement depuis des années Li Ang enchaine les critiques sur son œuvre, pour les uns jugée trop féministe pour les autres pas assez. L’écrivaine se situe quand même dans un territoire assez ambivalent dans lequel la description du patriarcat taïwanais et la soumission de la femme peuvent passer autant pour une dénonciation comme pour une acceptation, notamment lors que on prône clairement pour la libération de la sexualité féminine, mais les fantasmes sexuels de la femme passent uniquement par la satisfaction de l’homme. C’est parfois perturbant.
Car au centre de l’histoire on trouve la soumission volontaire d’une femme à un homme riche, puissant et dominant, à la façon de ‘50 nuances de Grey’. J’exagère bien sûr, car ce livre fut écrit bien avant et il semble quand même plus profond. Dans ‘Le jardin des égarements’ ce n’est pas une femme fragile, naïve et sans moyens économiques, c’est une femme libérée, cultivée et indépendante, qui se donne entièrement. Rose met de côté toutes ses ambitions pour se consacrer à la satisfaction sexuelle de Lin, et disparait dans cette mission de soumission, s’abandonnant au mâle qui doit autant la protéger que la dominer. L’homme qui doit la posséder.
Autre cette controversé étude de la sexualité féminine, le récit se centre sur la confrontation entre le passé ancestral, paisible et raffiné mais victime d’un régime dictatorial, et le monde moderne plus libre, mais effréné et en perte de repères. Ces deux mondes sont incarnés dans les deux personnages masculins principales : Monsieur Zhu, le père, et Lin, l’amant de Rose. À l’image de la ville elle-même, Rose sera tiraillée entre tradition et modernité, et essayera de composer avec ces deux univers à travers la luxuriante richesse du jardin des nénuphars.
Malgré qu’il y ait sans doute une qualité d’écriture, le style de Li Ang est décousu et confus, presque impressionniste, et probablement pas pour tout le monde. Les personnages ne sont pas vraiment approfondis. Les alternances entre les différentes lignes temporaires sont parfois chaotiques et le récit passe de façon imprévue et sans justification apparente, de la troisième à la première personne. Ces brèves digressions vers le monologue intérieur répètent souvent ce qui a été déjà décrit à la troisième personne, n’apportent pas forcément plus de la profondeur psychologique, et finalement font plus un effet de redondance que de vrai style. Plus le roman avance, plus les digressions s’estompent et le roman devient un peu plus solide, mais sans vraiment trouver une structure claire.
C’est quand même un roman intéressant et tout sauf banale, même si probablement pas pour tous les goûts. La dénonciation du patriarcat et de la soumission de la femme sera peut-être trop subtile, voir inexistante, pour certains lecteurs.
Citation :
« Il y avait en elle deux personnes, une jouisseuse et une autre qui gardait tapies quelque part en elle faim et soif, la chasseresse aux yeux brillants dans l’obscurité, tourmentée par un besoin purement charnel qu’aucun contacte de la chair n’aurait pu satisfaire. »
0 Comments