Littérature des 5 continents : AsieInde

Le Professeur d’anglais

R. K. Narayan

(The English teacher, 1945)
Traduction : Anne Cécile Pardoux. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Après dix années de vie solitaire que lui ont permis de bien démarrer sa carrière de professeur d’anglais, Krishan s’apprête à accueillir sa femme et son petit enfant, restés habiter chez sa belle-famille. Dans une nouvelle maison plus grande, louée pour l’occasion, le couple démarre sa nouvelle vie de famille, plutôt heureuse même si avec des haut et des bas. Mais après quelques années la tragédie viendra marquer leurs vies.

La vie continue :

‘Le professeur d’anglais’ est le troisième volet d’une série de livres situés dans la ville fictive de Malgudi, dans l’état de Karnataka, au sud de l’Inde, qui avait été commencé par le premier roman de Narayan, ‘Swami et ses amis’, en 1935. Il peut se lire de façon indépendante. Presque la totalité de romans de Narayan se déroulent à Malgudi, où il a placé un fabuleux ensemble de personnages et des relations très cohérents et solides, que lui ont permis de tisser un tableau sociologique remarquable.

Comme d’habitude chez Narayan, son talent pour l’introspection psychologique se met au service d’une histoire simple, assez originale, qui mélange comédie, tragédie et le surnaturel, pour proposer un tableau humaniste et spirituel de la résilience face à la tragédie. Certains éléments fantastiques sont bien ancrés dans le quotidien. Ce ne sera pas le cas dans ce billet, mais la plupart de critiques spoilent une partie de la trame, même si ce n’est pas trop grave, car ce n’est pas le développement de l’intrigue ce qui va intéresser le lecteur, mais plutôt le positionnement des personnages face aux défis qui leurs sont lancés.

C’est un très beau livre, même si un peu désuet, notamment pour cette vision de la femme idéal comme une femme au foyer dévouée, dont le talent d’organisation pratique et économique de la maisonnée doivent être impeccables. La deuxième partie de l’œuvre de Narayan me semble un peu plus riche et complexe dans ce sens, mais dans les premiers livres de Narayan, comme celui-ci, les femmes qui ont du caractère seront vues avec une certaine ambiguïté morale. Quand même le portrait de Susila, la femme du Krishan, est très réaliste pour la société indienne des années 40, et même s’il pourrait sembler que son mari l’aime pour ses qualités d’épouse idéale, Susila est aussi une femme forte à la personnalité marquée, et parfaitement indomptable.

Le talent de l’écrivain indien pour l’humain permet de sublimer toutes les aspérités d’une narration parfois trop simple, et dépasser son structure peu solide, grâce à la sensibilité avec laquelle Narayan montre tous les personnages dans ses fautes et dans ses vertus, soulignant de façon réaliste autant ses ombres que ses lumières.

Touchant, même si pas aussi riche que d’œuvres postérieurs de l’auteur comme ‘Le guide et la danseuse’.

Narayan, d’origine brahman, maître de la littérature indienne du 20ème siècle, écrivit principalement en anglais, et eut à son époque un succès colossal autant en Inde qu’internationalement. Son incroyable talent pour le storytelling, la composition de personnages, la description du quotidien, et la création de dilemmes moraux sont des marques de fabrique qui lui ont fait traverser les époques, et ses romans, malgré qu’ils soient tombés dans une certaine désuétude, sont encore très lus et étudiés.


Citation :

« Le premier jour de chaque mois, j’arrivais à la maison avec dix billets de dix roupies dans un enveloppe bien gonflé, mon salaire du mois, et je le plaçais dans ses mains. Elle était ma caissière. Et quel redoutable comptable elle semblait être. » (Traduction improvisée)

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