(1995)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman autobiographique :
Le narrateur, sans doute l’écrivain lui-même, raconte son enfance partagée entre la Russie, sa patrie natale et la France, son pays de cœur, adopté grâce à sa grand-mère Charlotte, française né à Neuilly-sur-Seine, qui passa la plupart de sa vie en Russie. Le jeune enfant séjournera avec sa grand-mère des nombreux étés en France, où il apprendra à déceler les énigmes de cette société si différente et de cette langue qui lui fascine complètement, et à travers laquelle le jeune garçon va pouvoir tisser sa double identité Franco-russe.
Enfance et identité partagées entre la France et la Russie :
Le récit prend l’enfance de l’écrivain, né en Sibérie en 1957, comme à point de départ pour proposer une autobiographie romancée, qui réfléchit en permanence sur le sujet de la double appartenance. Pour le jeune garçon l’identité Russe et Française semblent s’exclure le long du roman, s’accordant seulement lors de certains séjours, et d’autres fois s’éloignant de façon irréconciliable. À travers des bribes de récit, des vieilles photos, des extraits des journaux, notre narrateur découvrira l’histoire de sa grand-mère Charlotte, personnage insaisissable et éthérée qui forme le noyau émotionnel de l’histoire, et qui permettra à notre narrateur d’hériter l’amour inconditionnel par la langue française.
Ainsi le récit va suivre le jeune enfant, mais il va aussi revenir beaucoup plus en arrière, pour retracer la vie et identité de Charlotte, son enfance en France, son exile en Russie, et les raisons qui expliquent pourquoi elle n’a jamais voulu rentrer définitivement dans son pays natal, la France. Plusieurs évènements historiques vont s’immiscer de façon naturelle dans le récit : Les deux guerres, l’inondation de Paris de 1910, la visite du Tsar à Paris, la révolution bolchevique, Staline…
Mise à part Charlotte, l’autre port d’attache du jeune Andreï est sans doute la langue française, qui fascine totalement le jeune écrivain en devenir, au point d’avoir une sorte d’épiphanie vitale lorsqu’il comprend que cette langue peut aussi s’écrire en plus de se parler. Son attachement à la langue française va se rallonger le long de sa jeunesse et maturité, jusqu’à qu’il devienne sa langue d’expression littéraire. Makine étudia la langue et littérature françaises à l’université de Kalinine en Russie et ne sera que en 1987, à 30 années d’âge qui s’exilera de façon clandestine en France. Il obtiendra la nationalité française en 1997 après cinq années de refus. Il sera élu à l’Académie Française en 2016.
Avec un style poétique mais sobre, fin, et teint de nostalgie, ‘Le testament français’ est un très beau livre sur comment la culture et la langue peuvent façonner l’identité des individus. Le roman rafla un bon nombre de prix en 1995 : Prix Goncourt, Goncourt des lycéens, Prix Fémina.
Citation :
« Ce qui me fit le plus souffrir au cours de leurs aveux nocturnes, c’était l’indestructible amour envers la Russie que ces confidences engendraient en moi. Ma raison luttant contre la morsure de la vodka se révoltait. (…) Cet amour était un déchirement permanent. Plus la Russie que je découvrais se révélait noire, plus cet attachement devenait violent. Comme si pour l’aimer, il fallait s’arracher les yeux, se boucher les oreilles, s’interdire de penser. »
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