(The enchantress of Florence, 2008)
Traduction : Gérard Meudal. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Empire Moghol, XVIe siècle. Après multiples aventures, un voyager inconnu arrive discrètement au palais de l’empereur moghol, Akbar. L’inconnu, qui finalement se fait appeler Moghol dell’Amore, raconte la farfelue histoire d’une femme mystérieuse dotée de pouvoirs d’enchantement, qui appartenait à la famille de l’empereur Akbar, mais qui aurait été rayée de la famille royale par des obscures raisons. La vie de cette enchanteresse hors du commun nous transportera lors de son exil secret en Florence.
Les mille et une nuits façon Rushdie :
‘L’enchanteresse de Florence’ rassemble les éléments classiques qui ont fait la réputation de l’auteur : Réalisme magique, érudition historique, intrigue alambiquée, superbe écriture et maitrise totale du langage. A la façon d’un compte classique orientale, le récit présente un incalculable nombre de personnages épisodiques et des situations rocambolesques, autour de deux villes, Sikri et Florence, et d’un large ensemble de personnages, certains bien réels comme les Médicis, Machiavel ou Amerigo Vespucci, et aussi l’empereur Jalâluddin Muhammad Akbar qui dirigea l’empire Moghol sur ce qui est maintenant l’Inde, pendant la presque totalité de la deuxième partie du XVIe siècle.
C’est beau et c’est ambitieux, et pourtant à mon sens la magie de cette belle histoire n’arrive pas à opérer comme dans d’autres occasions. Ce baroquisme érudit rempli de sensualité génère un roman intense et foisonnant, qui est certes intéressant mais par moment indigeste. La narration est remplie de digressions et épisodes secondaires qui entament la force du récit. Dû aux excès de son parti pris, nombreux personnages sont à peine esquissés ou se ressemblent trop entre eux. Par exemple, les trois amis à Florence n’ont pas de personnalités suffisamment distinctes comme pour s’attacher davantage à leurs destins.
Les personnages féminins sont fascinants mais presque toujours axés sur la séduction. La capacité de l’enchanteresse pour envouter les hommes semble être la base de sa personnalité. Peu de choses animent son être au-delà de l’amour. C’est une bonne raison certes, mais quand même. Qu’est-ce qu’il y a derrière cela ? On ne sait pas trop. En général, on trouve des personnages forts et intéressants, mais qui peinent à exister, trop facilement phagocytés par la luxuriance de la narration.
C’est quand même un bon Rushdie. Il reste toujours cette exhibition lexicale fabuleuse qui caractérise l’écrivain, un langage très recherché et un anglais merveilleux (que jusqu’à un certain point on devrait retrouver dans la traduction française). L’imagination débordante de cette œuvre et ce lien qui tisse entre l’orient et occident à des moments charniers de l’histoire (l’empire Moghol en Inde, et la Florence de la Renaissance) sont sans doute des bons atouts aussi, mais il y a des fortes chances que le lecteur trouve cela manquant de retenue.
Citation :
« Était l’étrangeté elle-même quelque chose à accepter comme une force vivifiante qui conférant bonté et succès parmi ses partisans ? Ou adultérait-elle quelque chose d’essentielle dans l’individu et l’ensemble de la société, initiait-elle un procès de décomposition qui finirait dans une inaliénable et fausse mort ? » (Traduction improvisée)
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