Littérature des 5 continents : AsieJapon

Les belles endormies

Yasunari Kawabata*

(眠れる美女, Nemureru Bijo, 1961)
Traduction : René Sieffert. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Eguchi, approchant les soixante-dix années d’âge, commence à fréquenter une maison qui offre aux vieillards des services très singuliers : La possibilité de passer une nuit avec une jeune adolescente endormie. Contacts sexuels interdits, il s’agit simplement de s’endormir avec la jeunesse. Ces jeunes filles prostituées, même si consentantes, sont totalement inconscientes et, sous l’effet des puissants sédatifs, elles ne se réveilleront pas jusqu’au lendemain. Ces nuits passées en compagnie des jeunes corps, devraient apaiser l’esprit d’Enguchi, le réconcilier avec son propre vieillissement en le reconnectant avec sa jeunesse.

Roman crépusculaire pas du tout me too :

Publié en 1961, le moindre qu’on peut dire c’est que ‘Les belles endormies’ est un roman osé. Mais, on n’a pas besoin de se placer dans la perspective de nos jours pour voir à quel point c’est gênant et cela l’a toujours été. ‘Les belles endormies’ est clairement malsain et misogyne. Cette acceptation totale du rôle passif de la femme mineur, totalement soumise à l’assouvissement des désirs l’homme âgé, même sans rapports proprement sexuels, mettra sans doute mal à l’aise une bonne partie des lecteurs.

Le roman est beau par son ton crépusculaire et par une certaine poésie et lyrisme caractéristiques de l’œuvre du prix Nobel japonais. Mais au-delà de ces indéniables qualités, le roman n’approfondit pas assez dans tous les sujets évoqués : Ni dans celui de l’acceptation de la vieillesse, ni dans la décrépitude et le contraste entre les corps âgés et jeunes, et ne prend à aucun moment le point de vue féminin de l’histoire. La narration se centre plutôt sur les états d’âme d’un homme vers la fin de sa vie, tourmenté par la futilité de cette étrange quête de plaisir et réconfort, qui plonge dans la nostalgie de son passé et des femmes qu’il a connu, souvenirs récupérés à travers ces nuits morbides passées à côté des adolescentes narcotisées.

De ce roman triste, gênant et un peu sordide, se dégage une effarante sensation de solitude. Gabriel Garcia Márquez en fit à deux reprises une réinterprétation de ‘Les belles endormies’. D’abord dans un de ses ’12 contes vagabonds’ (1982), et puis plus longuement dans un de ses derniers romans, ‘Mémoire de mes putains tristes’ (2004), qui partageait avec ‘Les belles endormies’ un ton crépusculaire similaire, avec une réflexion peut-être plus profonde sur la vieillesse, mais qui était dans l’absolu tout aussi gênant.


Citation :

« Dans cette maison venaient des vieillards incapables désormais de traiter une femme en femme, mais dormir paisiblement aux côtés d’une fille pareille, était sans doute encore une de leurs consolations illusoires dans leur poursuite des joies de la vie enfuie »

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