(Kinokawa, 1959)
Traduction : Yoko Sim, Anne-Marie Soulac. Langue d’origine : Japonais
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
À 20 ans d’âge, Hana, jeune femme très cultivée et aux manières exquises et héritière de la famille Kimoto, doit commencer à penser mariage. En absence de sa mère décédée, c’est sa grand-mère paternelle qui devrait s’en occuper. Très fusionnelle avec sa grande fille, la noble dame a des critères très précis pour ce futur gendre, basés sur des vieilles traditions et superstitions. Hana rejoindra la maison de son mari, déterminée à être l’excellent épouse pour laquelle elle a été préparée. Hana et ses filles devront petit à petit s’adapter aux temps modernes, notamment aux évolutions qui concernent la condition féminine. Rejetant les kimonos en soie, la culture du thé et en général la culture japonaise traditionnelle, les femmes de la suivante génération semblent plus intéressées à être considérées comme l’égale de l’homme.
Saga familiale sur la condition féminine :
‘Les dames de Kimoto’, classique incontournable du roman japonais, est une saga familiale absolument splendide, remplie de personnages inoubliables et une narration très vigoureuse et bien ficelée, qui s’étend comme un fleuve sur cinq générations ou presque. Roman solide et foisonnant à la facture classique, ‘Les dames de Kimoto’ est divisé en trois parties, chacune centrée sur une femme et une génération : D’abord Hana, puis sa fille Fumio, puis la fille de celle-ci, Hanako. Mais en réalité le point de vue et les enjeux narratifs vont se centrer sur Hana, personnage inoubliable et femme complexe tiraillée entre le vieux et le nouveau monde. Car l’univers de soumission féminine où Hana a grandi vacille. Rejetant les kimonos en soie, la culture du thé et en général la culture japonaise traditionnelle, les femmes de la suivante génération semblent plus intéressées à être considérées comme l’égale de l’homme.
Le récit suivra la vie de Hana dès sa jeunesse à ses vieux jours, sans jamais renoncer à montrer les choses selon son point de vue. Totalement opposée à Hana, sa fille Fumio embrassera sans ambages la monde moderne, mais cependant la narration ne cessera jamais de dépeindre ce contraste à travers les yeux d’Hana. Femme aux manières presque aristocratiques, Hana a fait un art de rester dans la soumission, la retenue et le silence élégant, tout en se faisant respecter et admirer. Malgré la distance qu’elle marqué dans toutes ses relations, la narration va suivre en profondeur tous ses états d’âme, même ceux qu’elle souhaiterait cacher à tout le monde. C’est un petit bijou d’introspection psychologique qui permet au lecteur de plonger dans les difficultés qu’une femme cultivée et intelligente à dû faire face pendant cette époque totalement marquée pour le patriarcat. C’est sans doute un roman rageusement féministe, d’autant plus qu’il fut publié en 1959 et la perspective est résolument moderne.
Avec ‘Les dames de Kimoto’, Sawako Ariyoshi signe une étude approfondie de l’évolution des mœurs qui ont impacté la condition féminine lors d’une soixantaine d’années, le long des guerres et des changements sociétales, dès l’ère Meiji à la fin du 19ème siècle jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, accompagnant ainsi le Japon dans son passage de la tradition à la modernité. Autre sa perspective féministe, ‘Les dames de Kimoto’ est un roman prodigieusement entertaining, qui se fait court grâce à son storytelling brillant et à l’intelligence de sa réflexion. Fabuleux.
Citation :
« Elle était toujours belle et élégante, mais celle qui n’avait été qu’obéissance le désapprouvait à présent, sans ambiguïté possible, d’un mot ou d’un regard. »
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