(Братья Карамазовы, 1880)
Traduction : Henri Mongault. . Langue d’origine : Russe
⭐⭐⭐⭐⭐
(Attention spoilers : Exceptionnellement pour parler de ce roman on peut évoquer ici des évènements cruciaux qui se déroulent vers la moitié du livre. Même si ces évènements sont assez prédictibles et de notoriété publique, si vous voulez lire ce roman sans aucun spoiler, le mieux c’est d’éviter toute lecture, incluant cette chronique, et vous plonger dans le livre directement. C’est virtuellement impossible de trouver sur internet, des commentaires ou critiques sur ce livre qui ne dévoilent pas ces événements majeurs)
Ce que raconte ce roman :
Fiodor Pavlovitch Karamazov est un homme odieux, alcoolique et violent en plus d’un très mauvais père. Ces trois fils ont des rapports conflictuels avec lui. L’assassinat du patriarche éveillera des doutes sur son auteur, et la suspicion tombera sur le fils ainé, Dimitri, un homme passionné à tempérament exalté.
La fin du patriarche :
Mélange habile de roman policier (Il y a un suspens qui entoure la mort du patriarche) et récit philosophique, qui peut faire peur vue sa taille, mais qu’on ne peut que recommander tant sa lecture est vraiment facile par rapport à d’autres œuvres à contenu aussi intellectuel. On rentre très aisément dans l’histoire et on est facilement portés par l’intrigue. Les trois personnalités très différentes des fils font que l’approche philosophique est finalement relativement simple à comprendre, vue que chacun manifeste un point de vue sur les sujets approfondis : Dieu, la morale, la liberté, la justice.
Le sujet du parricide est présent dès le départ, presque dès la présentation du père. Tout est mis en route pour que le lecteur souhaite que quelqu’un s’en charge de cet homme abject qui pollue la vie de ses fils et pourri tout ce qui l’entoure. Mis à part le bâtard Smerdiakov, les frères Karamazov sont trois :
Dmitri est le frère ainé. Avec son tempérament sanguin, il incarnera la passion. Les femmes le font chavirer, mais c’est son père qui lui fait crever de rage. C’est l’âme russe en toute son splendeur et ses contradictions. C’est le frère qui aura le plus du mal à gérer le père, la rancune le domine, mais il ne peut pas se résoudre à s’en éloigner du patriarche. Quand la suspicion tombera sur lui, Dimitri réagira comme ce qu’il est, une bombe à retardement. Le côté action de ce roman, c’est Dimitri.
Ivan, le deuxième, est le plus intelligent. Il incarnera la réflexion. Posé et calme, penché vers les études, il sera constamment soumis à un débat entre le matériel et le spirituel. Il est tourmenté par le côté cruel inhérent à l’homme et qui considère comme l’expression de sa vraie nature. Pour contrecarrer le côté abject de l’être humain, Ivan aura un dilemme à choisir entre la justice des hommes (trop faible et facile d’abuser selon lui) et celle de Dieu (plus efficace par la peur qui génère, avec le petit inconvénient que selon lui, Dieu n’existe pas). Cet athée invétéré viendra à souhaiter que Dieu existe pour que les hommes aient peur de quelque chose de supérieur, qui les prive de sombrer dans la dépravation. Vous l’avez compris, le rayon débat philosophique, c’est Ivan qui le porte.
Aliocha, le petit, incarne la foi. C’est le gentil du trio, une âme adorable, un vrai ange, qu’on déteste voir souffrir et qu’on souhaitera protéger à tout prix. C’est le seul qui a une emprise sur Dimitri, le seul qui réussit à l’apaiser. Toujours tourné vers les autres, généreux et profondément croyant, Aliosha veut rejoindre la vie d’un monastère à côté d’un homme saint qu’il vénère, le starets Zossima. L’âme du roman, c’est Aliosha.
En résume, le corps (Dimitri), le cerveau (Ivan) et l’âme (Aliosha).
Mais même le pur Aliosha a pu souhaiter la mort du père, qui lui en voudrait ? Ivan sans doute aussi, mais, avec son tempérament sage et son intellect brillant semblerait peu enclin à un acte violent. La suspicion tombera facilement sur le plus sanguin des trois, Dimitri. Bien sûr, le long de mille pages, en plus de ce Whodunnit ? (C’est qui qui a fait le crime ?) de roman policier, et les tensions entre les trois frères, il y aura aussi un foisonnement des personnages secondaires et des multiples réflexions sur les sujets évoqués.
Un grand chef d’œuvre, à mon sens son plus grand roman, même au-dessus de ‘Crime et Châtiment’. ‘Les frères Karamazov’ est aussi le testament littéraire de Dostoïevski, qui mourut peu des mois après la publication. Le succès fut immédiat, dès la phase publication en série.
Citation :
« Dans cette confusion on pouvait s’égarer complètement ; or le cœur d’Aliocha ne pouvait supporter l’incertitude, car la nature de son amour était toujours agissante. Il ne pouvait aimer passivement, une fois qu’il aimait il devait aussitôt aider. Or pour cela, il fallait se fixer un but, il fallait savoir avec certitude ce qui était bon et nécessaire pour chacun, et une fois assuré là-dessus, il était naturel de les aider l’un comme l’autre. »
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