(Nian Yue Ri, 1997)
Traduction : Brigitte Guilbaud. Langue d’origine : Chinois
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Campagne chinoise près des montagnes. Une sécheresse implacable s’est abattue sur la contrée. Devant l’impossibilité de cultiver la terre dans cette fournaise épouvantable qui n’en finit plus, les habitants du village quittent l’endroit pour essayer de trouver une vie meilleure ailleurs. Seul l’aïeul du village, un vieil homme de 72 ans, décide de rester, trop fatigué pour entamer un voyage sans garanties. Il reste seul avec son chien aveugle, en prenant soin d’un minuscule pied de maïs qui a poussé de façon inattendue dans son terrain. Dans une chaleur torride, commence pour le vieil homme une quête pour la survie et une mission : Protéger à tout prix le pied de maïs pour qu’il puisse pousser et permettre de relancer les cultures au retour des pluies.
Le vieil homme, le chien aveugle et le pied de maïs :
Ce court, dur et merveilleux roman qui a l’air plutôt d’une fable, aurait pu effectivement s’appeler comme ça, ‘Le vieil homme, le chien aveugle et le pied de maïs’. Ces trois protagonistes sont tout ce dont Lianke a besoin pour présenter une puissante métaphore sur la condition humaine.
Le roman se centre sur la lutte acharnée du vieil homme pour sauvegarder et faire pousser ce pied de maïs, avec l’aide inestimable du triste chien Aveugle, qui ni parle ni voit, mais qu’il a l’air d’entendre et comprendre tout ce que son maître lui dit. Leur relation est d’une tendresse irrésistible. Les jours, les semaines et les mois vont passer, toujours dans un soleil de plomb. Plus on rentre dans l’automne sans trouver ni nuage ni pluies, plus le roman entre dans la phase irréelle et onirique. Le combat acharné de cet homme contre le soleil, la faim, la soif, les animaux hostiles, la désolation et la solitude, instille un souffle humaniste profond à ce roman.
Le pied de maïs représente sans doute la vie elle-même, ce que notre protagoniste se doit de sauvegarder à tout prix et contre tout obstacle. Ce serait donc une parabole de la lutte de l’homme pour la préservation de l’espèce, donc de la vie ? Ou le récit va au-delà dans sa suggestion ? Peu importe, c’est un roman qui fait réfléchir et qui ne laisse pas indifférent. Même si c’est un de ses premiers travaux publiées, ‘Les jours, les mois, les années’ anticipe la deuxième partie de la carrière de Yan Lianke, moins axée sur le politique et plus sur le symbolique.
C’est un livre à la portée philosophique phénoménale mais qui n’est pas de tout perché et qui peut se lire facilement, par le déroulement très simple de l’intrigue, qui rajoute à chaque fois un nouvel élément qui relance ce combat acharné pour la survie dans une nouvelle direction. C’est un travail brillant de rythme et pacing qui nous maintient envoutés, accrochés à cette histoire incroyablement simple, d’un humanisme lumineux qui prend tout son sens au dénouement.
Lu en une journée. Attention, il faut pouvoir supporter tout ce désespoir car c’est dur, c’est crasseux et c’est triste, mais c’est aussi très beau et poétique.
Citation :
« Cette année-là, la sécheresse semblait ne jamais devoir finir, le temps lui-même paraissait avoir été réduit en cendres et le charbon des jours se consumait dans nos mains. Le soleil brillait en grappes infinies au-dessus de nos têtes. »
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